Marc LE FUR intervient sur le transport routier
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’occasion du projet de loi en discussion, je souhaite évoquer le transport routier – autrement dit les camions.
Voilà un secteur qui est souvent mal aimé, voire caricaturé et moqué, parfois injustement montré du doigt, alors qu’il s’agit d’un secteur en croissance – la croissance de l’activité des poids lourds est d’ailleurs très étroitement liée à la croissance économique -, d’un secteur très exposé – car soumis à la concurrence, notamment depuis l’ouverture au cabotage des autres pays européens, décidée sous le gouvernement Jospin – et d’un secteur constitué de petites entreprises – 97 % des entreprises de transport routier comptent moins de cinquante salariés. C’est donc un secteur où le travail et la promotion sociale ont encore un sens. C’est, ou plutôt, devrais-je dire, c’était également un secteur créateur d’emplois, puisque depuis quelques mois, en raison de l’évolution du prix de l’énergie, il connaît les difficultés que l’on sait – j’y reviendrai. C’est enfin un secteur – j’insisterai sur ce point – indispensable à notre activité économique, en particulier lorsqu’il n’y a pas d’alternative du fait de l’absence totale de fret ferroviaire.
Le débat opposant le transport routier au transport ferroviaire a été évoqué : je souhaite rappeler quelques chiffres en la matière, afin que nous puissions nous faire une idée précise de la part de chacun de ces deux modes de transport. Chaque jour, 6,3 millions de tonnes de produits divers sont transportés – soit 100 kilos par Français. Sur ces 100 kilos, 36 sont transportés par les entreprises productrices elles-mêmes, essentiellement par camion, 53 kilos par des professionnels de la route et 6 kilos par le fret ferroviaire. Nous devons conserver à l’esprit ce rapport de 1 à 10 entre le fret ferroviaire et le transport routier. Il serait même de 1 à 15 si l’on intégrait l’ensemble des transports effectués par camion, y compris ceux des entreprises non transporteurs. C’est dire l’importance de ce secteur. Nous devons garder en mémoire cette donnée, qui constitue un principe de réalité : même s’il n’est pas constitutionnel, il doit fonder notre débat.
Il convient d’autant plus d’aider ce secteur que, ces dernières années, nous avons assisté à un recul très sensible du fret ferroviaire, qui n’a pas su s’adapter à la demande. Je suis élu d’une circonscription dominée par l’agro-alimentaire – secteur pondéreux, qui utilise beaucoup les transports. J’ai visité récemment une entreprise qui disposait d’un branchement ferroviaire : le chef d’entreprise m’a expliqué que celui-ci ne servait pas parce que la SNCF n’était pas en mesure d’assurer le service. La SNCF, dans le cas du transport de grains, par exemple, ne fait d’offre que pour des trains complets. Elle ne fait pas de proposition pour trois ou quatre wagons isolés, ce qui limite le nombre d’entreprises potentiellement intéressées par un tel type de marché. De grandes incertitudes pèsent également sur les délais de livraison. Dans ma circonscription, une entreprise assure la livraison de gaz propane pour l’ensemble du Grand Ouest. Cette entreprise n’a guère utilisé le fret ferroviaire. Désormais, elle ne l’utilise plus car elle a été confrontée à de tels retards de paiement, notamment lors de grèves ou d’événements sociaux, qu’elle a été obligée d’y renoncer et ne recourt plus qu’au transport routier.
Il faut donc aider le transport routier à faire face à ses obligations, d’autant qu’il a subi de plein fouet la hausse du prix des carburants.
Je prendrai l’exemple très simple d’une entreprise de dix salariés dont le jeune dirigeant se trouvait dans mon bureau il y a quelques jours. Pour cette entreprise, l’augmentation du prix du pétrole représente un surcoût de 6 800 euros par mois, soit, sur l’année, plus que le bénéfice de l’année précédente.
Je salue l’excellent travail de M. le rapporteur et note avec satisfaction que l’article 15 permettra aux transporteurs de répercuter automatiquement l’augmentation du prix du gazole sur leurs prix. Encore faut-il que ce texte très attendu soit pleinement appliqué.
Néanmoins, monsieur le ministre, je vous suggère une autre évolution, simple, concrète et, pour le coup, gratuite. Il s’agit d’une solution prônée par certains, qui consiste à augmenter la capacité de transport des camions. En effet, un camion transportant quarante tonnes peut en fait en transporter quarante-quatre. Or, si on lui offre cette possibilité, sa capacité de transport augmentera de 10 %, à savoir l’équivalent du coût engendré par la hausse du prix du pétrole.
Du reste, cette pratique existe déjà puisqu’un certain nombre de dérogations sont accordées dans ce sens à certains transporteurs, dans le secteur du bois en particulier. Dès lors, pourquoi ne pas l’autoriser de manière plus large ? Nous aurions là l’occasion, et à coût budgétaire nul, de répondre à un besoin très concret de nos transporteurs.
Voilà donc une solution à coût nul dont aurait bien besoin un secteur indispensable à notre économie et qui mérite toute notre attention.