par Marc LE FUR, Député des Côtes d’Armor
Vice-président de l’Assemblée nationale
« Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain ». Oui, notre pays a besoin de faire des économies budgétaires. Oui, la dette de la Nation doit être réduite. Oui, les politiques publiques doivent être révisées. Le Gouvernement avance courageusement sur tous ces fronts. Mais il ne faut pas confondre la révision des politiques et le rejet des principes qui les fondent.
La politique familiale est un état d’esprit
Parmi les grands principes qui font l’objet du consensus national depuis les orientations du Conseil National de la Résistance, on trouve la politique familiale. Il s’agit bien de la politique familiale et non d’une politique sociale familiale. La politique familiale bénéficie à tous ceux qui se lancent dans l’aventure consistant à fonder une famille. La politique sociale familiale conditionnerait cette politique à des conditions de ressources. La politique familiale encourage toutes les familles là où la politique sociale familiale ne traite que des familles en difficulté. Notre politique familiale est à la racine du succès démographique français que nous vivons. Elle ne se réduit pas à l’ouverture de places de crèches mais doit inspirer l’ensemble des politiques publiques. Savez–vous que si l’Espagne et l’Italie sont entrées dans un «hiver démographique » qui s’apparente de plus en plus à une glaciation, c’est que le quotient familial n’existe pas dans le calcul de l’impôt ? Savez que si l’Allemagne compte plus de cercueil que de berceaux, c’est qu’il n’existe pas d’allocations familiales ? Savez-vous que la menace qui pèse le plus sur la Chine, c’est qu’elle sera vieille avant d’être roche ? Savez-vous enfin que la question des retraites qui se pose à nous aujourd’hui de façon abrupte, c’est essentiellement parce que nous n’avons pas été assez vigilants sur notre politique familiale il y a 40 ans. Pour certains d’entre nous, la politique familiale est un enjeu moral mais pour tous, elle doit être un enjeu politique. C’est le dynamisme démographique qui fait la force des Nations.
La politique familiale n’est donc pas une politique parmi d’autres. C’est un état d’esprit qui doit pousser tous ceux qui proposent des mesures politiques, le Gouvernement et le Parlement à se poser la question « Est-ce bon pour les familles ? ».
Force est de constater que nous sommes pour le moment partis d’un mauvais pied, suscitant l’incompréhension de l’électorat traditionnel de la majorité.
Attali menace les allocations familiales
La proposition du rapport Attali visant à attribuer les allocations familiales sous condition de ressources a constitué une première alerte. Pour la première fois depuis 1945, on dépassait la ligne jaune en proposant de réduire la politique familiale à une politique sociale familiale. Sans l’intervention de Jean-François Copé et de nombreux parlementaires du Groupe UMP, nous aurions purement et simplement cassé l’un des outils les plus efficaces de soutien aux familles.
Le cafouillage de la carte « famille nombreuse »
Le récent cafouillage sur la suppression de la carte familles nombreuses est également une illustration de l’absence de prise en compte de la famille dans la définition de nos politiques publiques. Il a fallu l’intervention décisive du Président de la République pour que la SNCF maintienne une tarification qui permette aux familles de bénéficier du formidable outil d’aménagement du territoire qu’est le TGV. Alors que le développement durable constitue une priorité du gouvernement, nous étions prêts à exclure du train les familles pour les encourager à utiliser leurs véhicules sur les longues distances !
Le Grenelle de l’Environnement impose les familles
Même le Grenelle de l’environnement égratigne la famille. Or, imagions-nous un développement durable sans la famille ! L’instauration d’un bonus malus sur les véhicules automobiles neufs s’avère en effet particulièrement défavorable pour les familles car tous les véhicules 5, 6 places ou davantage, et plus particulièrement les monospaces, entrent dans la catégorie entraînant un malus allant de 750 euros à 1 600 euros en fonction du modèle. Il s’agit d’un véritable impôt sur les enfants. Ainsi, quand une famille achète une kangoo, qui n’est pas un modèle de luxe, sa facture s’alourdit de 750 euros. Quand une famille acquiert la première version de l’Espace, elle doit débourser 1 600 euros supplémentaires. Quelle question se pose une famille lorsqu’arrive le troisième enfant, celui qui fait la croissance démographique de la Nation ? N’est-ce pas la question du changement de véhicule ? Or, le système actuel favorise les petits véhicules comme la smart. On ne met pas une famille dans une smart !
Lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2007, la commission des finances de l’Assemblée Nationale avait, à mon initiative, adopté un amendement en faveur de la familialisation du bonus-malus écologique. Mes collègues Mariton, Bouvard, Chartier et de Courson avait défendu cet amendement en séance. Le Ministre du budget nous avait alors promis d’en tenir compte dans la prochaine loi de finances. Il n’en est rien pour le moment, en dépit d’annonces discrètes dans la presse économique !
Enfin, les associations familiales ont quant à elles récemment fait part aux parlementaires de la majorité de leurs inquiétudes quant à la pérénité des avantages familiaux accordés aux retraités. Au moment où le pouvoir d’achat, y compris celui des retraités, est une question centrale, la remise en cause des avantages constituerait un mauvais signe.
Pour un Grenelle de la Famille
Il est temps de revenir aux orientations qui ont guidé toutes les politiques familiales depuis 1945 et prendre les dispositions nécessaires pour encourager les familles. Au-delà de ces trois exemples concrets, c’est toute la philosophie de notre action politique qui est remise en cause. La majorité a toujours défendu les familles par le passé, contribuant ainsi à fortifier notre pays. L’oublier serait à court terme électoralement dangereux et à long terme dangereux pour le pays ! Afin de refonder une politique familiale, la remettre à la une des médias et à l’ordre du jour du Gouvernement, je propose dans ces lignes que soit organisé un « Grenelle des familles » qui saura donner toute sa place aux associations familiales.