Portrait de Marc Le Fur
Avec Vous, en confiance
Assemblée Nationale Conseil Régionale de Bretagne Marc Le Fur
Marc Le Fur, Député des Côtes d'Armor, Consieller Régional de Bretagne
Avec Vous, en confiance
 

Intervention de Marc Le Fur lors du débat sur les langues régionales

Le 8 mai 2008
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour la première fois dans cet hémicycle, nous consacrons un débat aux langues régionales. Nous le devons à un engagement pris, et tenu, par le Premier ministre : qu’il lui en soit rendu hommage. C’est vrai que nous avions déjà abordé cette question, mais c’était à l’occasion d’autres textes, un peu par hasard et en volant du temps. Aujourd’hui, nous l’abordons de front : pour la première fois dans cet hémicycle, nous allons parler des langues de métropole et d’outre-mer ; nous allons parler de notre « bien commun », pour reprendre votre expression, madame la ministre, qui est la bonne. Nous attendons de ce débat qu’il ne soit pas un aboutissement mais un commencement. Il est passionné et passionnant : la meilleure preuve en est que beaucoup du groupe UMP auraient voulu s’exprimer et ne pourront pas le faire.  Je tiens à saluer en particulier mes collègues Daniel Poulou et Jean Grenet, qui connaissent bien le pays basque, mes collègues bretons Ménard et Le Nay, ou encore Gabrielle Louis-Carabin, qui vient d’encore plus loin, et bien d’autres. 

Ce débat passionné et passionnant touche, non seulement l’esprit, mais aussi le cœur et les tripes de chacun d’entre nous, qui avons croisé ces langues au cours de notre existence. J’ai eu ainsi la chance d’apprendre le breton enfant, et plus tard j’ai découvert les richesses de cette seconde langue de Bretagne qu’est le gallo. Ce débat passionnant ne doit pas pour autant être passionnel : nous devons y introduire de la raison et du concret. Il faut pour cela combattre l’ignorance, voire l’arrogance, de certains et des idées reçues. Une de ces idées reçues est que nous ne serions qu’une minorité à nous intéresser à ces questions. Mais ces langues ont des locuteurs, des enseignés et des enseignants, et je voudrais ici rendre hommage à tous ceux qui, depuis longtemps, s’investissent dans ces questions, au prix parfois de la moquerie, voire de l’insulte. Au-delà des locuteurs, il y a tous ceux qui, sans maîtriser ces langues, y voient un élément de leur identité : je pense aux diasporas de nos régions respectives, qui sont d’autant plus attachées à ces langues qu’elles en sont plus éloignées. Le succès de Bienvenue chez les Ch’tis n’est pas qu’un phénomène cinématographique, madame la ministre : c’est un phénomène sociologique.

Il montre que les gens ont besoin de racines. Nous devons combattre aussi l’idée reçue selon laquelle ces langues ne seraient qu’une survivance, une « affaire de vieux ». Allez dans les fest-noz, écoutez la musique celtique, voyez ce qui se passe dans nos régions : vous verrez que ces langues sont bien souvent un élément de la modernité. On nous oppose aussi qu’elles favoriseraient le « repli identitaire », mais ce sont souvent les régions les plus « identitaires » qui sont le plus à l’aise dans la mondialisation : comme si, pour aller loin, il fallait un port d’attache. Mes chers collègues, nous devons en finir avec ce jacobinisme anachronique et outrancier, que nous croisons trop fréquemment puisqu’il existe dans toutes les familles politiques : chacun a son Mélenchon, mes chers collègues !

Aujourd’hui heureusement, d’autres se font entendre, comme l’a dit M. Vaxès. Ce que veulent ceux que nous avons auditionnés hier, David Grosclaude et les autres représentants des différentes langues régionales, c’est du concret : en matière d’enseignement – Alain Marc nous en parlera –, de la crèche à l’université ; en matière de média, et cela ne concerne pas uniquement France 3, et d’Internet : je salue à ce propos le combat de Christian Ménard pour faire du «. bzh » un élément d’identification, au même titre que le «. fr » ou le «. com ».

Nous voulons aussi du concret en matière de signalétique. Cela ne veut pas dire que rien n’a été fait jusqu’ici : beaucoup a été fait au fil des ans, et nous ne partons pas d’une page blanche. Mais il faut y introduire une plus grande ambition et une plus grande cohérence, car nos idées, aussi bonnes soient-elles, passeront au laminoir. Nous devons nous inspirer en particulier de l’esprit qui anima le général de Gaulle en 1969 : au lieu de redouter nos différences, il faut savoir s’en enrichir. Puisque notre métier, à nous, législateurs, est de faire la loi, alors légiférons : j’espère, madame la ministre, que vous nous annoncerez très clairement qu’un projet de loi sera présenté. Cette loi serait l’aboutissement de la promesse faite par Nicolas Sarkozy, qui a été entendue dans nos régions, et nous permettrait d’avancer. Elle serait aussi une méthode, qui nous permettrait à la fois d’aborder des questions de principe et de traiter les problèmes concrets. J’espère que tous sur ces bancs contribueront à élaborer cette loi, avec tout le réseau associatif qui travaille sur le terrain.

Il nous faut un calendrier, madame la ministre : je souhaite pour ma part que nous puissions en débattre en 2009. Cette loi devra non seulement définir des ambitions, mais aussi les moyens très concrets de les réaliser. Il faut bien évidemment que la France, comme l’ont fait les autres pays européens, adopte la charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Mais si, comme je l’espère, le Gouvernement nous propose aujourd’hui qu’un projet de loi soit examiné, eh bien ! engageons-nous résolument dans ce combat pour une belle et grande loi de la République. Nous en faisons cinquante par an ! Pourquoi ne pas en consacrer une aux langues et aux cultures régionales ? Cela constituerait, pour les uns et les autres, une avancée, et un élément de stabilité et de sécurité.

Au travers de ce débat, mes chers collègues, nous touchons en fait des points fondamentaux. J’ai la conviction, pour ma part, que le mot « égalité », qui figure dans la devise de notre République, ne signifie pas « uniformité ». J’ai la conviction que l’unité de notre pays, à laquelle je suis très attaché, peut et doit se concilier avec l’altérité. J’ai la conviction également que nous ne devons pas être des clones les uns des autres, mais au contraire nous enrichir de nos différences. J’espère que la diversité des propos qui s’exprimeront au cours de ce débat y contribuera de façon positive !

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