La gauche s’est identifiée pendant longtemps à une certaine vision de la décentralisation, notamment la deuxième gauche au pouvoir aujourd’hui. Les deux lois qui viennent d’être votées sont au mieux un coup d’épée dans l’eau, au pire l’expression du retour d’un néo jacobinisme construit autour de Paris et des métropoles… sans les territoires.
La loi du 27 janvier 2014, dite loi MAPTAM, se veut la loi d’affirmation des Métropoles. Elle explique, dans son préambule, que celles-ci sont devenues « les lieux essentiels de la croissance ».
La richesse et l’emploi, c’est désormais une évidence, se concentrent dans les métropoles. La France a perdu 220 000 emplois de 2001 à 2012 mais les grandes aires urbaines ont, quant à elles, continué à en créer. Concentration des activités de production, des laboratoires, des centres de recherche, des universités, voire des foires et salons, la recette est connue depuis longtemps : le regroupement sur un même territoire des activités de production liées à un même secteur génère des économies d’échelle. Le succès de l’industrie aéronautique et son impact sur la métropole toulousaine en sont l’illustration parfaite.
A l’inverse, car il y a un « envers du décor » à cette métropolisation de la France, les espaces ruraux éloignés de ces cités prospères se désagrègent, s’appauvrissent, perdent leur identité… et leurs habitants se désespèrent. C’est l’une des réalités que nous a brillamment révélées en 2013 par le géographe Christophe Guilly, dans son ouvrage « La France périphérique ». Entre 20% et 25% des français y vivent……. et s’y sentent oubliés.
La concentration des richesses, l’intégration de l’économie dans les grands flux mondiaux, la culture à portée de main pour les uns ; l’appauvrissement, l’isolement et la déconnection pour les autres.
Voici donc à grand trait la géographie économique et sociale de la nouvelle France. Alors que le slogan de l’égalité territoriale a été promu par les gouvernements de gauche au rang d’attribution ministérielle, les fractures territoriales n’ont cessé de s’élargir. Il est grand temps de s’interroger sur les moyens de les combler. Le propos n’est pas d’opposer les grandes métropoles aux territoires de nos régions mais bien plutôt de tracer les grandes lignes d’une politique de l’équilibre territorial, volontariste et efficace. Il y a urgence à la faire. Et c’est à la région de s’atteler à cette tâche.
Après avoir en quelque sorte inventé l’aménagement du territoire dans les années 1950, la France a joué la carte des métropoles dès les années 1990. Il ne s’agissait plus d’inciter au transfert des activités publiques ou privées dans les zones déshéritées mais de renforcer le potentiel des grandes villes. Encore une fois le développement de Toulouse en est symbolique. Et rien n’a été négligé pour mener à bien cette politique. Qu’on y songe la région Midi-Pyrénées avec 300 000 habitants de moins que la Bretagne bénéficie d’une dotation de l’Etat pour son contrat de plan supérieure de 120 millions.
Mais cette politique a non seulement craquelé socialement les territoires, elle les a aussi asséchés économiquement.
La question se pose aujourd’hui à l’évidence en Bretagne où les handicaps se trouvent amplifiés par la géographie péninsulaire de la région comme la crise de l’écotaxe est venue le rappeler en 2013.
Voilà pourquoi la Bretagne peut être le laboratoire d’une autre forme d’organisation du territoire conjuguant de façon équilibrée décentralisation et aménagement du territoire.
Une certitude : c’est à l’échelon régional qu’il faut panser, compenser et ensemencer. La région est par nature l’entité administrative qui allie proximité et taille critique. Elle est un territoire, et le découpage territorial n’effacera jamais cette réalité humaine, où se conçoit un devenir collectif. La région ne doit laisser aucune partie de territoire hors de son champ d’action. Et elle en a les moyens. De 2014 à 2020 l’Europe a prévu d’investir près d’un milliard d’euros en Bretagne et le Fonds européen de développement régional versera plus de 300 millions d’euros à lui seul. Il n’y a nulle nécessité ni volonté d’entraver l’expansion des métropoles mais le devoir de la mettre au service des territoires aujourd’hui déséquilibrés.
Voilà finalement l’un des enjeux majeurs des prochaines élections régionales. Saurons-nous faire de la Région la collectivité qui sera à la fois le fruit de la décentralisation et un véritable outil d’aménagement du territoire ?
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