Portrait de Marc Le Fur
Avec Vous, en confiance
Assemblée Nationale Conseil Régionale de Bretagne Marc Le Fur
Marc Le Fur, Député des Côtes d'Armor, Consieller Régional de Bretagne
Avec Vous, en confiance
 

Loi de Modernisation de l’Agriculture : Discussion générale

Le 2 juillet 2010

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Thierry Benoit. Vive la Bretagne !

M. Marc Le Fur. Monsieur le ministre, quand on fait une loi, on se fixe un objectif. En l’espèce, celui-ci est simple, concret, précis : il s’agit de permettre à notre agriculture de gagner en compétitivité. Voilà l’essentiel ; ne nous dispersons pas.

Au demeurant, nous pouvons être raisonnablement optimistes. La demande mondiale est en train de croître et devient solvable. Dans des pays tels que la Chine et l’Inde, on assiste à l’apparition d’une classe moyenne, désormais capable d’acheter nos produits et qui se tourne de plus en plus vers une alimentation carnée. Ne laissons pas ces marchés aux Américains du nord et du sud, aux pays de l’Océanie, aux Russes et aux Ukrainiens !

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Marc Le Fur. Certes, il faut tenir compte du commerce de proximité et du bio, mais ces secteurs ne peuvent survivre que s’ils demeurent des niches. Notre agriculture doit donc rester orientée pour l’essentiel vers des marchés porteurs et conséquents au plan international.

Pour lui permettre de gagner en compétitivité, il nous faut tenir compte de la concurrence, qu’elle soit extra-européenne – on en a beaucoup parlé –, mais aussi intra-européenne. Or, on a trop négligé l’apparition, sur le marché agricole, de l’Allemagne, qui nous dame le pion dans de multiples secteurs : la fraise, l’asperge, le lait ou la viande de porc. C’est un véritable sujet, monsieur le ministre, et je connais votre expertise dans le domaine des relations franco-allemandes. N’oublions pas que l’Europe fut en quelque sorte fondée sur un partage : à l’une l’industrie, à l’autre l’agriculture. Le problème, c’est que celle à qui revenait l’agriculture est en train de se faire supplanter dans ce domaine par celle qui tient déjà l’industrie.

M. Jean Lassalle. Très juste !

M. Marc Le Fur. Sans nuire aux excellentes relations que nous entretenons avec l’Allemagne, cela pose un problème de fond,…

M. Thierry Benoit et M. Daniel Fasquelle. Tout à fait !

M. Marc Le Fur. …pour l’agriculture, bien entendu, mais également pour l’agroalimentaire de manière générale – nous ne parlons pas suffisamment du couplage de ces deux secteurs. (« Absolument ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Certes, les thèmes législatifs ayant trait à l’agroalimentaire sont moins nombreux, mais c’est le véritable sujet : ce projet de loi concerne non seulement les paysans, mais aussi les ouvriers ! (Mêmes mouvements.) Si, dans une circonscription comme la mienne, nous avons la chance d’avoir un taux de chômage de 6 %, alors que la moyenne nationale est de 10 %, c’est parce que nous avons un secteur agroalimentaire riche et important. Les salaires sont peut-être modestes, mais les papas et les mamans rentrent à la maison avec un salaire ; cela compte, et j’y tiens.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Marc Le Fur. Nous devons donc travailler sur un certain nombre de problèmes liés à l’agroalimentaire. Je pense en particulier aux troubles musculo-squelettiques, question essentielle pour bon nombre de nos compatriotes sur laquelle je me permettrai de vous soumettre des propositions dans les mois qui viennent.

Monsieur le ministre, il est d’autant plus regrettable que l’agroalimentaire ne figure pas dans votre texte que je tiens à vous délivrer publiquement un satisfecit pour vous être investi dans un dossier majeur, extrêmement complexe et délicat : celui d’Entremont. Rappelons-nous en effet que la crise laitière en cachait une autre, plus grave encore : on exigeait des agriculteurs qu’ils vendent leur lait toujours moins cher. L’affaire Entremont était délicate, car l’entreprise n’étant pas en liquidation, la marge de manœuvre de la puissance publique était étroite. Or vous êtes parvenus à vous en sortir, monsieur le ministre.

Nous devons favoriser l’apparition des champions de demain. À cet égard, il faut se féliciter du rapprochement d’Entremont et d’une grande coopérative normande ou de la création, en Bretagne, de Triskallia, qui fédère un certain nombre de coopératives du grand Ouest. Encore faut-il que, face à ces champions, qui auront du pouvoir, le monde agricole puisse défendre ses intérêts.

Par ailleurs, l’aléa est un élément essentiel en agriculture, qu’il soit lié au climat, aux maladies ou à l’économie. Naguère, la PAC permettait de l’atténuer ; la PAC n’existe plus, et l’on peut le regretter. l’Europe a commis, me semble-t-il, une erreur fondamentale en privilégiant les aides directes plutôt que les aides aux marchés. En effet, il suffit souvent d’une aide peu élevée, une aide à l’export par exemple. Hélas ! nous avons préféré les aides directes, qui coûtaient beaucoup plus cher. Il est vrai qu’à cette époque, lors des négociations des années 1980-1990, la France n’a pas été écoutée, mes chers collègues de gauche.

Toujours est-il que nous devons atténuer l’aléa en utilisant des moyens franco-français. Or, nous avons créé un très bon dispositif en la matière : la dotation pour aléa, dont je me réjouis qu’elle ait évolué lors de l’examen de la dernière loi de finances, grâce à un amendement que j’ai eu l’honneur de défendre. Alors qu’auparavant, on ne retrouvait l’argent de sa DPA qu’en cas de crise sanitaire ou climatique, désormais, on peut également en bénéficier lors d’une crise économique. Qu’est-ce que la DPA ? Elle relève d’un principe d’une simplicité évangélique : dans les périodes de vaches grasses, on met de l’argent de côté pour les périodes de vaches maigres. Il faut que nous progressions fiscalement dans ce domaine, mais voilà l’essentiel du produit.

Monsieur le ministre, vous proposez de conditionner le bénéfice de la DPA à la souscription d’une assurance. Sur le principe, je n’y suis pas opposé, mais cela complique quelque peu le dispositif, qui n’est déjà pas simple. Actuellement, l’assurance est très limitée. Ainsi dans le département des Côtes-d’Armor, que je représente, un millième des hectares donne lieu à une assurance récoltes. C’est pourquoi je souscris entièrement à l’une des propositions de notre excellent rapporteur (« Absolument ! » sur les bancs du groupe UMP) – il fait d’ailleurs l’unanimité dans cette enceinte (Sourires sur les bancs du groupe SRC) –, qui consiste à permettre à l’exploitant d’être dispensé de souscrire une assurance lorsque la DPA n’est pas trop importante.

Encore une fois, je suis d’accord avec vous sur le projet d’assurance, mais pour que celle-ci soit efficace, une réassurance est nécessaire. Vous vous battez en ce sens au plan européen, et c’est très bien. Mais ce serait mieux si nous avions également l’assurance fourrage, car l’assurance récolte ne concerne que les céréaliers, et non les éleveurs. En outre, même si j’aime beaucoup Groupama et le Crédit agricole, il conviendrait que la concurrence soit un peu plus développée.

Tant qu’à substituer un système d’assurance publique de type « catastrophes naturelles », à un système d’assurance privée, faisons en sorte d’y introduire en même temps ce qui est l’un des avantages du privé, à savoir la concurrence ! Je sais que vous y travaillez et je m’en réjouis.

Par ailleurs, je vous ai écouté, monsieur le ministre, et je suis d’accord avec vous sur l’opportunité d’aller vers le contrat. Pour ce faire, il n’est pas nécessaire de recourir à la loi : dans ma région, les producteurs qui fournissent des légumes à des entreprises de surgélation telles que Bonduelle ont conclu avec elles des contrats, et ils en sont plutôt satisfaits.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche. C’est vrai !

M. Marc Le Fur. Cela dit, si l’on peut se féliciter que les entreprises en question soient d’une taille suffisante pour prétendre à une ambition mondiale, encore faut-il que les producteurs soient en mesure de s’organiser pour éviter que le rapport de force ne soit par trop inégal. Vous imaginez bien que face à Lactalis, un producteur laitier isolé ne fait pas le poids !

Nous devons faire en sorte que les organisations de producteurs reconnues puissent se regrouper en fédérations, ce qui permettra aux agriculteurs de traiter avec les grandes entreprises dans un rapport de forces plus équilibré.

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Marc Le Fur. J’ai déposé un amendement en ce sens et j’espère, mes chers collègues, que vous l’accueillerez favorablement. Si nous ne donnions pas aux agriculteurs les moyens de se regrouper, nous passerions à côté de l’essentiel.

Monsieur le ministre, nous savons bien que cette loi doit se faire sous contrainte : nos finances publiques sont exsangues et nous ne pouvons plus, comme nous le faisions naguère, multiplier les crédits et les niches fiscales. Quels sont les leviers sur lesquels nous pouvons encore agir ? Il est un amendement qui a fait un certain bruit, celui relatif à « l’impôt paperasse », spécificité franco-française ! L’allégement de cette contrainte ne coûtera rien, au contraire, il se traduira par une réduction du nombre de fonctionnaires. L’amendement que j’ai déposé vise à réduire la contrainte réglementaire – mais je ne l’exposerai pas en détail pour le moment, car M. le président ne manquerait pas de me rappeler à l’ordre, et il n’aurait pas tort. (Sourires.)

Mon amendement a suscité des critiques très relayées par la presse. Ainsi, dans ma région, cinquante associations ont appelé leurs militants à manifester, et il en est résulté une manifestation de… cinquante personnes !

Celles-ci connaissaient d’ailleurs si bien les lieux qu’elles se sont trompées : au lieu de venir manifester devant ma permanence, elles se sont regroupées devant la CAF ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

J’espère que la presse se montrera aussi empressée à relayer le succès de la manifestation qui s’est déroulée aujourd’hui à Rennes, avec la mobilisation de 500 agriculteurs pour défendre l’amendement en question !

M. Michel Raison, rapporteur de la commission des affaires économiques. Pour une seule association !

M. Marc Le Fur. Pour ma part, j’estime qu’il vaut mieux écouter les agriculteurs, qui se lèvent tôt pour aller travailler, plutôt que ceux qui nuisent, qui gênent, qui empêchent : même si le point de vue de ces derniers peut être considéré comme légitime, il faut savoir les remettre à leur place ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Marc Le Fur. Lors de cette manifestation, les agriculteurs, qui sont très bons en communication, avaient procédé à une petite mise en scène : un agriculteur portait le maillot de l’équipe allemande de football, tandis qu’un autre portait le maillot bleu de l’équipe de France. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Alors que le premier courait sans aucune difficulté, le porteur du maillot français poussait devant lui une brouette surchargée de paperasse. (Rires et exclamations.)

M. Germinal Peiro. C’est donc pour ça que la France a été éliminée ! (Rires.)

M. Marc Le Fur. Finissons-en avec l’impôt paperasse afin de donner à nos agriculteurs les moyens d’être compétitifs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

3 commentaires pour “Loi de Modernisation de l’Agriculture : Discussion générale”

  • il est breton le fur? moi oui! il aime la merde de cochon le fur? moi non! douarneniste et 54 ans d’algues vertes derrière moi! et lui sans doute 30 ans de lobbying!

    au nom du peuple breton des côtes maritimes je lui enlève son titre de Breton, qu’il aille camper à Paris!

  • Dans les regroupements en question, les élevages porcins vont croitre encore plus et avec moins de contraintes. M. Fillon peut donc déjà prévoir une rallonge budgétaire pour le nettoyage de nos
    beaux rivages des côtes d’armor, aux frais des contribuables, bien sur! mais comme dit notre président < l’environnement, ça commence à bien faire >. Rappelons aussi que l’alimentation carnée
    tant vantée dans les pubs, et dont M. le député souhaite doper la production pour l’exportation est un désastre face à la problématique : nourrir 6,5 milliards d’hommes aujourd’hui et 9 dans 40
    ans.

  • merci Lannou ! « 54 ans d’algues vertes » dites-vous ?, c’est bien avant le développement de l’élevage porcin en Bretagne ça ! Alors comment faites-vous la relation entre nos cochons et les algues
    vertes d’il y a 50 ans ???

    Je ne crois pas que l’amendement Le Fur vise vraiment le développement à outance des élevages ; simplement, à facilité le regroupement d’élevages. C’est pourtant une évidence, de moins en moins
    de jeunes s’installent, donc de moins en moins d’exploitations, il faudra bien accepter de regrouper le potentiel de production. Sachez que si l’élevage moyen en Bretagne est de 200 truies, en
    Allemagne, il est de 400 à 500 truies, et de 1500 à 2000 truies en Espagne…

    Sachons aussi que dans le carde des ICPE, rentrent aussi les stations de traitement de lisier, les fabriques d’aliment à la fermes, les stations à Biogaz… c’est plutôt « écolo » ça, non ?

    Enfin sachons que si les dossiers de traitement de lisier avaient pu être étudiés dans des délais « normaux » par l’administration française, l’Europe n’aurait pas eu à blâmer l’Etat français pour
    son retard sur cette affaire. Nous avons coillectivement perdu 4 à 5 ans à cause de la lourdeur administrative française.