Marc Le Fur, vice-président (UMP) de l’Assemblée nationale, et Marc Bernier, rapporteur (UMP)de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’offre de soin sur l’ensemble du territoire, demandent aux sénateurs de maintenir dans le projet de loi sur l’hôpital le contrat santé solidarité qui fait contribuer les zones en surpopulation médicale à la dotation de celles qui manquent de médecins. Et préviennent que si ce n’était pas le cas, ils demanderaient une nouvelle délibération à l’Assemblée.
Nous travaillons tous les deux depuis des années sur les questions de démographie médicale, et nous sommes très surpris et inquiets des modifications intervenues lors de la discussion en Commission des Affaires Sociales du Sénat sur le Projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires. Les amendements sénatoriaux risquent en effet de remettre en cause l’équilibre de ce texte. Un des buts de ce texte est d’améliorer l’accès de tous à des soins de qualité. Or ce principe d’égalité est actuellement mis à mal. La médecine générale connaît en effet une désaffection réelle contre laquelle il faut impérativement lutter. Ce texte s’y emploie en définissant la médecine générale de premier recours, en donnant plus de moyens à la spécialisation de médecine générale, en élargissant les formes d’exercice médical (exercice groupé, création des maisons de santé pluridisciplinaires), en organisant mieux l’offre de soins (rôle des ARS, création des « pôles de santé » et meilleure organisation de la permanence de soins). Mais il faut impérativement mieux répartir l’offre de soins sur le territoire. Le texte prévoit certes une meilleure adéquation entre la formation et les besoins des régions, mais cette mesure ne produira ses effets que dans un temps éloigné. Le projet du gouvernement a donc été enrichi, lors de sa discussion à l’Assemblée Nationale, par deux dispositions importantes. La première, issue du rapport de la Mission d’information parlementaire sur l’offre de soins sur l’ensemble du territoire, crée une bourse d’étude pour les étudiants en médecine qui s’installeront ensuite dans les zones déficitaires. La seconde concerne la liberté d’installation.
Il n’est pas normal que les médecins s’installent de plus en plus nombreux dans certaines zones déjà très bien dotées en offre de soins, alors que dans nos campagnes et nos banlieues, trouver un médecin devient un vrai problème. Le débat à l’Assemblée Nationale a été intense entre les partisans du laissez-faire et ceux qui sont favorables à des mesures coercitives limitant la liberté d’installation.
Les députés et le Gouvernement sont arrivés à un accord sur un amendement créant un contrat santé solidarité.
Cet amendement prévoit de laisser encore trois ans aux mesures incitatives adoptées ces dernières années favorisant l’installation des médecins dans les zones sous-dotées, pour faire leur effet. Si dans un délai de 3 ans, la situation ne s’améliore pas, l’ARS, au vu d’une évaluation menée au plus près du terrain et après une large concertation, pourrait demander aux médecins des zones sur-denses de contribuer à répondre aux besoins de santé des habitants des zones sous-denses, par le biais d’une contribution forfairtaire annuelle. En supprimant le caractère obligatoire du contrat santé solidarité, la Commission Sociale du Sénat lui enlève toute sa portée.
Nous trouvons inadmissible que le seul élément un peu contraignant de ce texte, soit rendu inefficace. Cela est d’autant plus dommageable que cette mesure était le fruit d’un compromis, non remis en cause jusqu’alors. Ce contrat était équilibré pour plusieurs raisons : * il ne touchait que les régions concernées par les déséquilibres * il laissait 3 ans pour les mesures incitatives de produire leurs effets * ce n’était pas une mesure anti-jeunes et les internes y étaient d’ailleurs favorables.
Nous ne voudrions pas que l’occasion qui nous est offerte par la discussion de ce texte important soit manquée. L’avenir de notre système de santé en dépend. L’égal accès de tous à des soins de qualité, pour lequel ils se battent depuis des années, en dépend aussi. Nous espérons donc que le Sénat saura faire preuve de « sagesse » lors de la discussion de ce texte en séance. Si la suppression du caractère obligatoire du contrat santé solidarité devait être confirmée en séance, nous demanderons alors un nouveau débat à l’Assemblée nationale, considérant alors que l’équilibre et la finalité de ce texte sont remis en cause.