Septembre 2006 : L’assemblée départementale se réunissait autour de son président à grand renfort de communication pour une session spéciale sur un thème en forme de slogan « le modèle agricole costarmoricain ». Et chacun d’intervenir à partir d’un cahier de bonnes intentions qui ne pouvaient que susciter l’adhésion de tous : plus d’agriculture biologique, moins d’intrants, une fertilisation raisonnée, le bien être animal… Et nous observions l’agriculture de notre département comme si elle vivait sur elle-même, en dehors du reste du monde.
Avril 2008 : Des émeutes de la faim éclatent un peu partout dans le monde. L’Organisation des Nations Unies pour la nourriture et l’agriculture, tire le signal d’alarme. La Banque Mondiale et le FMI lui emboîtent le pas. « Les prix de l’alimentation, s’ils continuent comme ils le font maintenant, auront des conséquences terribles. Des centaines de milliers de personnes vont mourir de faim, ce qui entraînera des cassures dans l’environnement économique »
Si je mets aujourd’hui ces deux événements en parallèle c’est que, comme trop souvent, malgré de coûteuses études de prospective et des colloques très médiatisés, certains n’ont pas vu venir les vrais faits historiques. Tout comme ils n’ont pas vu venir la chute du mur de Berlin, ils n’ont pas vu venir la montée des besoins agricoles du monde et l’explosion des prix des matières premières. Aveuglés par d’autres sujets, ils ont oublié qu’avant d’être un sujet social ou environnemental, l’agriculture est une réalité économique. Ils ont oublié que le premier devoir moral des agriculteurs avant de proposer des loisirs aux citadins est de nourrir les hommes.
Egarés par notre sentiment de richesse, ils pensaient il y a quelques mois encore que pour produire mieux, il fallait moins produire. L’actualité nous rappelle les exigences de notre époque. Il faudra produire mieux et produire plus. En quelques mois, l’obligation de jachère qui paraissait « durable » depuis près de trente ans disparaît et on commence à discuter la nécessité de quotas laitiers. En mars 2007, on pénalisait les éleveurs qui dépassaient leurs quotas et en mai de la même année, on leur demandait de produire davantage !
Depuis de trop nombreuses années, les grandes politiques agricoles visaient à contenir la production. Elles se traduisaient par une politique d’aides des plus complexes, par des contraintes et des contrôles de plus en plus sévères. Ces politiques ne faisaient croître qu’une seule production, celle des papiers administratifs. Ceux qui s’interrogeaient sur le coût de ces politiques, ne serait-ce qu’en terme de mobilisation de moyens administratifs, étaient peu nombreux et naturellement mal vus. Rappelons par exemple que la Direction Départementale de l’Agriculture, un service de l’Etat, distribue 200 millions d’euros d’aide avec un effectif moins important que la Direction de l’agriculture et de l’environnement du Conseil général qui en distribue environ 13 millions. Avant la décentralisation, nous avions une DDA. Nous en avons désormais deux, mais pas pour le même prix.
La solution n’est pas celle d’une agriculture administrée mais celle d’une agriculture qui tient compte de l’initiative. J’ai confiance dans les agriculteurs pour produire mieux dans les années à venir, tant sous l’angle économique et qu’écologique. Certes des aides et des contrôles sont nécessaires mais ils doivent être désormais confrontés en permanence à deux ou trois questions fondamentales : La politique agricole que nous voulons mener permet-elle de répondre aux besoins croissants du monde en produits agricoles ? Fait-elle confiance à l’agriculteur, premier acteur et premier responsable de notre approvisionnement en nourriture ? Fait-elle du revenu de l’agriculteur et de sa famille une priorité en le liant avant tout à son activité de producteur ?
Ayons l’humilité de reconnaître que l’histoire se rappelle à nous et qu’il ne faut pas attendre une décennie avant de réagir.