Je ne prétends pas avoir une très longue expérience de la vie parlementaire mais je n’ai jamais connu de texte ayant autant évolué depuis qu’il a été déposé. Cette évolution est notamment due au
rappel par certains députés du groupe UMP, parmi lesquels Bernard Reynès, Jean-Frédéric Poisson, Philippe Meunier, Jacques Remiller, Michel Terrot et quelques autres, de plusieurs exigences alors
que nous abordions ce sujet.
Il n’était pas question, pour nous, que l’on touche au principe du repos dominical. Or nous constatons, à la lecture de cette quatrième version, que nous avons abandonné le débat de principe pour
ne discuter que des modalités des dérogations existantes.
Je vais m’employer à le démontrer. Aujourd’hui, chaque maire peut décider d’ouvrir des commerces jusqu’à cinq dimanches par an. Les premières versions du texte proposaient de porter ce chiffre à
dix avant qu’il ne soit ramené à huit. Cette idée est aujourd’hui complètement abandonnée, ce qui signifie que dans la plupart des 36 000 communes de France, la situation ne sera pas modifiée.
Ensuite, évolution très importante, le texte n’autorise aucune dérogation pour le commerce alimentaire de détail, c’est-à-dire pour la grande distribution. Ainsi, les enseignes Leclerc, Carrefour
et autres ne seront pas autorisées à ouvrir le dimanche.
La troisième évolution concerne les zones d’attractivité commerciale exceptionnelle. Il était initialement question de créer ex nihilo des zones commerciales qui auraient pu ouvrir cinquante-deux
dimanches sur cinquante-deux. Cette idée disparaît complètement. Il n’est plus question que des fameux périmètres d’usage de consommation exceptionnel, les PUCE. I
l s’agit de mettre un terme à une hypocrisie. Certaines zones ont en effet bénéficié par le passé d’arrêtés préfectoraux contestés puis annulés. Nous avons donc vécu dans une situation
d’incertitude, sous divers gouvernements du reste, puisque cette hypocrisie était admise par d’autres que nous avant 2002. Il fallait donc y mettre un terme, quitte à entériner par la loi une
situation de fait.
Le texte a donc considérablement évolué et le groupe UMP aurait été malvenu de ne pas en prendre acte et de ne pas comprendre que sa portée se révèle bien moindre que celle envisagée
initialement. Reste la question des zones touristiques, qui concerne 494 communes aux termes du code du travail, et non pas 3 500 comme on l’a dit et répété. Il ne s’agit en rien de modifier les
critères définissant ces zones.
Si le Gouvernement avait eu des intentions malignes, il aurait depuis longtemps utilisé la procédure actuelle pour, subrepticement, les développer ; or, au cours des dernières années, trois
communes par an seulement ont rejoint la liste des communes touristiques bénéficiant d’une dérogation. Les moutures précédentes du texte prévoyaient deux étapes.
L’étape communale visait à déterminer la zone de la commune et l’étape individuelle concernait le commerçant. Cette dernière disparaît. Un commerçant qui bénéficiait d’une autorisation pour
ouvrir sur la côte bretonne en juillet et août pourra ouvrir demain en mai et juin ou en septembre. Les professionnels du tourisme de ma région soulignent qu’il faut mettre un terme à une
spécialisation excessive pour que nous puissions capter la clientèle touristique des grands ponts de mai et juin ou durant la période de septembre, périodes aussi propices au commerce que les
mois de juillet et août. Je vous invite d’ailleurs à parcourir la côte bretonne pendant l’automne, période où elle est la plus belle.
En supprimant cette seconde étape, nous facilitons la vie des commerçants. Nous avons donc accompli, monsieur le ministre, les trois-quarts du chemin. Il reste en effet un quart de ce chemin à
parcourir et, à ce titre, demeurent deux ou trois points sur lesquels le texte pourrait encore évoluer. Nous sommes nombreux à souhaiter que l’amendement présenté par Bernard Reynès sur la
réversibilité du volontariat soit voté. Dans les PUCE, et Richard Mallié est parfaitement d’accord, le volontariat fait l’objet d’un acte écrit.
Il n’empêche qu’une femme volontaire, par exemple, ne l’est plus dès lors qu’elle met au monde un enfant. Il faut donc qu’elle puisse cesser d’être considérée comme volontaire dans les limites
prévues par le préavis. Nous devons envisager le volontariat dans sa logique la plus pure. En ce qui concerne la détermination des zones touristiques, le président Ayrault s’est montré des plus
habiles en jouant sur les mots.
Nous devons donc voter l’amendement qui met un terme à toute confusion possible en la matière et vise à graver dans le marbre les critères des zones touristiques. À partir du moment où l’on ne
modifie pas lesdits critères, il n’y a pas d’intention maligne. Mon souhait, vous le savez, monsieur le ministre, consiste en ce que ces critères soient définis par la loi, ce qui nous permettra
d’en discuter. Ces critères ont certes toujours été déterminés par la voie réglementaire sans que cela pose de problème. Mais il conviendrait que, par votre truchement, le Gouvernement signifie
clairement qu’il ne modifie pas les zones touristiques.
En outre, on comprend bien que la procédure sera modifiée a posteriori puisque les commerçants ne seront pas obligés de solliciter à nouveau une autorisation. La prise en compte de ces éléments
devrait effacer les ultimes ambiguïtés. Encore un effort, donc, monsieur le ministre, pour lever certaines craintes ; ce sera l’honneur de la majorité.
Chacun sait que nous n’adopterons pas cette loi dans le consensus, mais j’ai la conviction que, si nous gravissons les dernières marches que je vous ai indiquées, l’application de ce texte pourra
se réaliser dans le consensus.