Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement, n° 999 rectifié, qui fait l’objet de quatre sous-amendements, nos 1658, deuxième rectification, 1656, 1659 et 1657.
La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n° 999 rectifié.
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État. Cet amendement vise à faciliter et à mettre en place le plan de lutte contre les algues vertes.
Cet amendement compte deux dispositions principales. La première vise à instaurer une traçabilité réelle des flux d’azote. La deuxième permet la mise en place d’appels à projets territoriaux, qui sont encadrés, contractuels, avec des objectifs. Si les objectifs ne sont pas atteints dans les trois ans, des dispositions réglementaires seront prises. On passe d’une procédure volontaire pendant trois ans à une disposition obligatoire si l’on n’atteint pas les résultats.
Ces dispositions ont été discutées, à la suite du plan algues, avec l’ensemble des élus et des professionnels.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir les sous-amendements n°s .1658, deuxième rectification, 1656, 1659 et 1657.
M. Marc Le Fur. Nous abordons un sujet extrêmement sensible dans certains secteurs, notamment en Bretagne, mais qui a pris une dimension nationale et médiatique, cette dernière étant peut-être excessive.
Madame la secrétaire d’État, vous venez de présenter l’amendement gouvernemental et je suis d’accord avec l’essentiel de son économie. C’est l’un des aspects du plan volontariste que le Gouvernement a engagé. Ce plan comporte plusieurs aspects qui ne sont pas législatifs. Je les rappelle pour mémoire : l’aspect recherche, pour que les causalités des algues vertes cessent d’être caricaturales et que l’on identifie plus sereinement et plus scientifiquement les origines de ces algues sans montrer qui que ce soit du doigt.
Ce plan comporte également une dimension collecte des algues, qui est essentielle. Il faut ramasser celles-ci, les traiter, éventuellement les méthaniser. Vous avez lancé des appels à projets dans cette perspective et je crois, madame la secrétaire d’État, que vous avez bien fait.
En outre, ce plan comporte une partie financière, car entre l’État, l’Agence de l’eau et les collectivités qui le soutiennent, 134 millions sont engagés.
Enfin, ce plan comporte une partie prévention qui exigeait un support législatif. Nous en venons donc à l’amendement gouvernemental. Ce plan, pour l’essentiel, me convient, d’autant qu’il résulte d’une vraie concertation locale à laquelle ont concouru non seulement les associations environnementales, mais aussi le monde agricole. Celui-ci aurait pu jouer la défensive et jouer la montre. Au contraire, il a souhaité – je tiens à le souligner ici, ce soir, devant l’Assemblée nationale – prendre des initiatives et engager un processus pour contribuer à atténuer les difficultés liées aux algues vertes. Nous pouvons en savoir gré à l’ensemble du monde agricole et je salue particulièrement la chambre régionale d’agriculture et la chambre départementale des Côtes d’Armor particulièrement concernées.
Dans cette affaire, il faut éviter certains écueils.
Premièrement, on n’a pas le droit d’ignorer la situation et de jouer la politique de l’autruche. C’est un vrai sujet et il faut y faire face. Le Premier ministre est venu à Plestin-les-Grèves pour aborder de front ce sujet.
Deuxièmement, on n’a pas le droit de rechercher des coupables et de les livrer à la vindicte publique. Ce n’est pas le sujet. D’ailleurs ce ne serait pas scientifique. La science, c’est l’hypothèse, le doute, l’incertitude. Or aujourd’hui, on a trop longtemps recherché les coupables et il faut en sortir.
Je suis d’accord avec l’amendement gouvernemental, à condition de le sous-amender.
Mon premier sous-amendement, n° 1658, deuxième rectification, a pour objet de bien délimiter les zones de façon qu’il n’y ait ni incertitudes ni craintes infondées. En Bretagne, nombre de gens disent que le phénomène va concerner l’ensemble de la Bretagne et, pourquoi pas, l’ensemble du littoral atlantique. Telle n’est pas la réalité. Le problème concerne huit baies : celles de Saint-Brieuc et de Plestin-les-Grèves dans les Côtes d’Armor et cinq baies de taille plus modeste dans le Finistère, l’anse de Locquirec, l’anse de l’Horn Guillec, l’anse de Guissény, la baie de Douarnenez et celle de Concarneau.
M. Christophe Caresche. Il doit y en avoir d’autres !
M. Marc Le Fur. Il faut être très précis sur ce point. Je sais que la loi ne peut ni énoncer des lieux ni fournir une carte en annexe, mais nous devons être très précis en ce qui concerne la détermination des lieux. Je ne vous prête aucune mauvaise intention, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, mais nous devons rassurer les gens sur les lieux où seront appliquées ces dispositions. Il n’y a d’ailleurs pas de raison de les appliquer ailleurs puisque le phénomène y est beaucoup plus modeste, voire inexistant.
M. Christophe Caresche. Alors, quel est le problème ?
M. Marc Le Fur. Je vais maintenant exposer la deuxième motivation de mon sous-amendement n° 1658, deuxième rectification. Les algues vertes sont générées par un phénomène de trophisation lié à un excès d’azote momentané dans l’eau. L’azote est pour partie d’origine agricole, nous ne le nions pas, mais pas seulement. Le monde de l’industrie y concourt, ainsi que celui des collectivités. Il est donc indispensable, afin d’éviter toute caricature ou tout procès fait à une corporation, que soit visé l’ensemble de ceux qui, d’une manière ou d’une autre, apportent cet excès d’azote qui est à l’origine du problème.
M. Christian Jacob, président de la commission du développement durable. C’est frappé au coin du bon sens.
M. Marc Le Fur. Nous sommes un peu moins en phase, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, s’agissant de mon deuxième sous-amendement, n° 1656, mais je crois que nous pouvons progresser.
Le monde agricole accepte une modalité de contrôle nouvelle et plus exigeante, mais aussi plus intelligente. Au lieu d’avoir des contrôles de nature abstraite et administrative, nous allons vers un contrôle des flux générés par chaque exploitation et, si mon premier sous-amendement est adopté, par chaque industrie et chaque collectivité. Ces flux doivent être identifiés et nous devons savoir les limiter.
La difficulté est que nous allons imposer à ces exploitations deux contrôles parallèles : l’ancien contrôle qu’ils supportaient jusqu’à présent et le nouveau qu’ils acceptent par le biais de leurs organisations professionnelles. La logique est que le nouveau contrôle se substitue à l’ancien et que l’on renonce à ce dernier. Peut-on le faire à ce stade ? Peut-on progresser ? Il faut que nous ayons sur ce point, à défaut d’une disposition législative explicite, une visibilité. Tel est l’objet du sous-amendement n° 1656.
Mon troisième sous-amendement, n° 1659, est mineur. Il reprend l’idée que je développe dans le premier sous-amendement pour la faire figurer à un autre alinéa. L’objectif est de bien identifier l’ensemble des parties prenantes et des lieux.
Mon quatrième sous-amendement, n° 1657, me semble important. Il vise à identifier les personnes qui contrôlent et sont susceptibles de constater une défaillance ou une difficulté et de prévenir. Il existe une structure, celle de la police de l’eau, parfois exigeante. Toutefois, il doit y avoir non pas quinze contrôleurs, mais un seul, identifié, qui puisse avoir une vision des choses très claire, de façon à ne pas avoir cette multiplicité de contrôles qui fait toujours très peur au monde agricole.
Nous avons un plan gouvernemental et vous avez su le faire passer, monsieur le ministre d’État, ce qui n’était pas facile. Vous avez eu l’appui, il faut le reconnaître, du monde agricole qui a tenu à être partie prenante, ce qui n’était pas évident pour des responsables agricoles, car ce sont eux qui vont, demain, expliquer ce plan à leurs mandants. D’aucuns, ici, ont connu cela dans un passé déjà ancien, n’est-ce pas, monsieur le président de la commission du développement durable ?
Pour aboutir, il faut lever les ambiguïtés qui peuvent encore exister. Tel est l’objet de mes sous-amendements. En outre, il faut dire clairement que l’on n’accuse pas, que l’on ne montre pas du doigt une corporation, quelle qu’elle soit. D’ailleurs, elle ne nie pas ses responsabilités ; au contraire, elle les assume, mais elle n’est pas seule dans cette affaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. Christian Jacob, président de la commission du développement durable. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Serge Poignant, rapporteur pour avis. Je me félicite, comme Marc Le Fur, du plan « Algues vertes » présenté par l’amendement du Gouvernement, et de l’engagement de la profession agricole.
Quant aux sous-amendements, les explications de mon collègue Le Fur n’ont, je l’avoue, pas été inutiles pour les comprendre et donner un avis, car ils n’ont pas été présentés en commission.
Je ne pense pas que le sous-amendement n° 1658 2e rectification pose problème. Quant aux sous-amendements nos 1659 et 1657, je m’interroge sur le contrôle, la procédure, la déclaration. Je ne sais pas répondre, et j’attends donc l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État. Chacun a compris la difficulté du plan « Algues vertes ». Jusqu’à présent, on contrôlait chaque moyen mis en place pour lutter contre les algues vertes. Or, si nous avons bien réussi à réduire les nitrates en Bretagne – ils ont diminué de 18 % en dix ans – et s’ils sont désormais en deçà des normes européennes, il reste pourtant des algues vertes, car c’est un problème multifactoriel. Nous avons donc décidé de fixer un objectif, en laissant les acteurs choisir les moyens.
Dans ce cadre, les sous-amendements nos 1658 2e rectification, 1657 et 1659 ne posent pas de problème. Quant au sous-amendement n° 1656, nous sommes d’accord sur l’objectif à terme d’avoir un flux d’azote réel qui permette de déterminer, ensuite, l’ensemble des mesures. Mais cela nécessiterait de modifier les programmes d’action et les capacités de stockage pour les adapter aux flux réels, et de développer ce type de mesures en dehors des bassins versants. Nous n’y sommes pas prêts ; l’expérimentation que nous proposons est nécessaire avant de tirer des conclusions.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.
M. Jean-Paul Chanteguet. Madame la présidente, je demande cinq minutes de suspension de séance pour que le groupe socialiste puisse se réunir afin d’étudier cet amendement et les quatre sous-amendements.
Mme la présidente. La suspension est de droit.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente, est reprise à vingt-trois heures quarante.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
La parole est à M. Yves Cochet.
M. Yves Cochet. Je voudrais rappeler quelques souvenirs à la fois personnels et politiques. Je connais bien la zone de Saint-Michel-en-Grève et de la plage de Saint-Efflam. Dans les années 70 – j’étais encore très jeune – le problème des algues vertes existait déjà, et déjà nos amis agriculteurs disaient qu’il ne fallait pas s’en inquiéter, qu’ils allaient faire diminuer les nitrates d’origine minérale comme organique.
Depuis ce temps-là, il y a eu beaucoup de plans, sous les différents gouvernements – j’allais dire sous les différentes présidences de la République –, dans les années 70, 80, 90. Jean Glavany et moi-même, il y a une dizaine d’années, avions mobilisé l’ensemble des acteurs bretons, notamment l’association « Eau et rivières de Bretagne », que M. Le Fur connaît bien, et les agriculteurs. Nous avions organisé des réunions en préfecture, et même mis en œuvre le Programme de maîtrise des pollutions d’origine agricole. C’était il y a dix ans, et nous avons injecté des millions d’euros – avec des zones plus compliquées peut-être encore que les vôtres !
Rien de cela n’a marché, rien ! Vous parlez d’une légère diminution. Certes. Mais ce qui est en cause, c’est, sinon des personnes, monsieur Le Fur, le modèle productiviste agricole breton qui est un modèle chimique, industriel, et en matière d’élevage un modèle de concentration des exploitations ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
On sait d’où cela vient, et la solution est particulièrement simple : il faut diminuer le nombre de porcheries et le nombre de porcs par porcherie, le nombre d’élevages intensifs de poulets, et limiter de façon drastique l’usage des engrais azotés. Ce que vous faites aujourd’hui ne fait qu’ajouter de la complexité à la complexité, et je peux déjà vous le dire : cela ne marchera pas !
M. Yanick Paternotte. C’est un discours hallal, en quelque sorte.
Mme la présidente. La parole est à M. Germinal Peiro.
M. Germinal Peiro. Pour ma part, j’estime que l’amendement du Gouvernement va dans le bon sens. Certes, on ne sait pas quels seront les résultats dans quelques années, mais on se fixe au moins l’objectif de réduire le phénomène à l’origine de la croissance des algues vertes : la pression azotée sur les cours d’eau de Bretagne.
Ce n’est pas un problème anodin. L’Union européenne a déjà accusé la France de ne pas respecter la directive-cadre européenne et a prédit que notre pays ne serait toujours pas en accord avec celle-ci en 2015. Aux termes de cette directive, je le rappelle, la moitié des masses d’eau devront avoir atteint un bon état écologique.
Pourtant, le phénomène des algues vertes est connu depuis des années. Un préfet de la République a d’ailleurs rédigé, au mois d’août 2009, un rapport qui vous a été remis, monsieur le ministre d’État, dans lequel il montre comment cinquante à soixante-dix communes bretonnes, notamment dans les Côtes-d’Armor, sont touchées chaque année par le problème des algues vertes. Il a cherché les causes, et il les a trouvées, monsieur Le Fur.
M. Christophe Caresche. Eh oui !
M. Germinal Peiro. Je suis d’accord avec vous quand vous dites qu’il ne faut pas stigmatiser une profession en la montrant du doigt. Soyons honnêtes : si les agriculteurs ont exercé leur métier dans les conditions qui ont été les leurs au cours des dernières décennies, c’est parce que les pouvoirs publics leur ont permis de le faire et qu’ils n’avaient pas pris les mesures pour que les agriculteurs exercent leur métier dans d’autres conditions. Je ne suis pas de ceux qui désignent du doigt les agriculteurs. Ils ont exercé leur métier dans des conditions qui étaient encadrées par la loi et ils ont utilisé des produits qui étaient autorisés.
Je pourrais dire la même chose des pollutions urbaines. Ne doit-on pas regarder dans le rétroviseur, nous aussi ? Avons-nous été exempts de tout reproche au cours des dernières décennies ? Voulez-vous que je vous raconte ce qui s’est passé dans la petite commune dont je suis maire depuis vingt-sept ans, Castelnaud-la-Chapelle en Dordogne ?
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Non !
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Oui !
Mme la présidente. Mes chers collègues, merci de laisser M. Peiro terminer.
M. Germinal Peiro. La Dordogne compte 557 communes, je pourrais toutes vous les citer et décrire leur situation mais je préfère prendre l’exemple de ma petite commune pour ne pas désigner un collègue. En 1969 et 1970, on a réalisé un collecteur d’eaux pluviales sous l’égide d’un service administratif de la DDA qu’on appelait le génie rural – il était bien rural en Dordogne mais n’avait rien de génial. Ce collecteur d’eaux pluviales recevait les eaux usées et tout cela se déversait dans la rivière Dordogne. Voilà ce qu’on faisait des eaux usées dans nos communes et dans nos villes il y a quarante ans ! Quelques communes et même quelques grandes villes fonctionnent encore ainsi. Sur ce point également, l’Europe nous a mis en demeure de nous mettre aux normes.
M. André Chassaigne. Eh oui !
M. Germinal Peiro. Cela explique que les crédits des agences de bassin soient partis en priorité chez ces communes.
Bref, il faut regarder la réalité en face, le problème concerne aussi bien le milieu rural que le milieu urbain concentré. Et le milieu industriel n’est pas en reste : nous connaissons tous des usines qui polluent les rivières, nous pourrions en citer des dizaines.
Des efforts ont été consentis dans tous ces domaines. Si ceux réalisés dans le monde industriel ou par les collectivités ont semblé être plus efficaces, c’est parce que la pollution y était concentrée. Dans l’agriculture, la pollution est très souvent diffuse. Les engrais azotés ou les pesticides – 76 000 tonnes par an – que l’on déverse dans les champs ne se voient pas, cela ne fait pas de grosses sources de pollution, mais, à terme, cela produit des phénomènes irréversibles.
Je suis d’accord avec Marc Le Fur, il ne s’agit pas de désigner des coupables.
M. Marc Le Fur. Très bien !
M. Germinal Peiro. Il faut également chercher les causes et aider à leur résorption. C’est une évidence : à côté des pollutions urbaines et des pollutions industrielles, il existe des pollutions agricoles qui pèsent très lourdement sur la qualité de l’eau dans notre pays. Ce n’est pas stigmatiser une profession que de dire cela. Mais il faut donner aux agriculteurs les moyens d’accéder à d’autres méthodes culturales. Je ne reviens sur notre discussion sur les phytosanitaires, mais je crois que c’est dans ce sens qu’il faut aller.
De la même façon, il faut encourager, partout où on le peut, la culture biologique. Notre collègue Martin a parlé de la Champagne tout à l’heure pour essayer d’amoindrir le choc du plan phyto, en disant que l’utilisation de ces produits avait déjà baissé de 50 %. Cela ne va pas dans le bon sens. Des vignobles entiers, aujourd’hui, se tournent vers la culture bio pour la vigne. Sur les 12 000 hectares du vignoble de Bergerac, 800 hectares se partagent entre le bio et la conversion en bio. Ce n’est donc plus du tout une démarche anecdotique. C’est en passe de devenir la généralité. Il faut encourager par tous les moyens ces méthodes culturales qui seront plus respectueuses de l’environnement.
D’autres procédés doivent être utilisés, comme celui de la méthanisation dont on a parlé ce matin. Là aussi, les pouvoirs publics devraient réaliser des efforts considérables si on veut non seulement aider le monde agricole, mais également protéger l’environnement. Notre pays est en retard sur ce point, notamment par rapport aux pays d’Europe du Nord. Les producteurs de porcs et les responsables de la filière porcine nous expliquent que l’un des éléments déterminants de la distorsion de concurrence entre eux et les Allemands, c’est le faible recours à la méthanisation en France.
C’est grâce aux Verts – tu vois, je te rends hommage, Yves : les Verts allemands ont pesé sur le gouvernement pour qu’une diversification des approvisionnements énergétiques intervienne, et l’accent a été mis sur la méthanisation. Sur ce point, beaucoup d’efforts, en Bretagne notamment, restent à faire.
La situation actuelle ne peut pas durer, j’en suis persuadé. Nous ne pouvons pas nous contenter de la visite du Premier ministre sur les plages pendant l’été, nous ne pouvons pas voir sans réagir le phénomène se reproduire chaque année. Il ne s’agit pas non plus de stigmatiser une profession et de la laisser toute seule face aux difficultés – les difficultés économiques du monde agricole sont réelles. Il ne s’agit pas d’enfoncer les gens. Il faut les aider s’en sortir. C’est leur intérêt et l’intérêt général de notre pays.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État. Je constate que vous soutenez les orientations prises, monsieur Peiro, et je vous en remercie. Nous ne sommes pas dans le cadre d’un contentieux ni au titre de la directive Nitrates ni au titre de la directive-cadre sur l’eau puisque nous sommes en deçà des normes – nous sommes à 26 milligrammes quand les directives sont à 50.
Nous allons développer la méthanisation, le plan le prévoit, mais il ne s’agit pas de dire que nous avons toujours eu tort jusqu’à présent, que tout ce qui était fait était mal. Nous allons changer les pratiques agricoles. Il faut regarder vers l’avenir et pas rester tournés vers le passé.
Ce qui a profondément changé, c’est que, après la reconnaissance du caractère toxique de ces algues, l’État a reconnu sa responsabilité.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur. Je voulais remercier Germinal Peiro pour son propos. Nous sommes tout à fait en phase : le monde agricole a sa part de responsabilité, les collectivités également.
Il ne faut pas oublier non plus, lorsque nous imposons des normes à des activités économiques, que, Germinal Peiro l’a dit, celles-ci sont dans un système concurrentiel. Nos concurrents allemands, danois, néerlandais, espagnols, etc. ne respectent pas les mêmes normes. Cette dimension n’est certes pas la seule à devoir être prise en compte mais il faut l’intégrer, vous le savez bien, cher collègue. Nous en parlerons d’ailleurs ensemble le 11 mai prochain à l’occasion du colloque que nous co-animons sur les distorsions de concurrence avec les pays européens, en particulier avec l’Allemagne. La situation devient préoccupante pour certains éleveurs en particulier.
Quant à ce cher Yves Cochet, je voudrais simplement lui dire que la concentration des élevages n’a rien à voir là-dedans.
M. Yves Cochet. Ah si !
M. Marc Le Fur. Soyons très précis. Quelle est la baie où les algues vertes se concentrent le plus, celle qui est la plus spectaculaire de ce point de vue ? C’est Plestin-les-Grèves. Or dans cette baie, nous sommes à 26 unités de nitrate alors que la norme européenne, qui est elle-même très exigeante, est de 50 unités, Mme la secrétaire d’État l’a rappelé.
M. Yves Cochet. C’est un phénomène cumulatif !
M. Marc Le Fur. En amont de Plestin-les-Grèves, il n’y a pratiquement pas d’élevage hors sol, ceux-là mêmes que vous dénoncez, mon cher collègue. Cela veut dire que le lien de causalité n’est pas si évident. Les causes de cette situation sont multiples : Plestin-les-Grèves est une plage pratiquement close.
M. Yves Cochet. En effet.
M. Marc Le Fur. L’eutrophisation y est très facile parce que les fonds marins sont peu profonds. Les effets sont plus importants qu’ailleurs. En tout cas, au moins sur ce secteur, nous sommes très en deçà des normes les plus exigeantes.
Par ailleurs, je voudrais vous faire remarquer que des évolutions très fortes sont intervenues depuis l’époque où vous étiez aux affaires. Le PMPOA a fonctionné, les investissements ont été massifs. Nos exploitations ont été couvertes de fumières, de toits qui empêchent la dilution. Aujourd’hui, l’ensemble des sols sont couverts. Le fait que les sols soient à nu en hiver provoquait, vous l’aviez vous-même dit à l’époque, des phénomènes d’érosion. Il fallait couvrir les sols. Les agriculteurs s’y sont engagés et aujourd’hui, en Bretagne, les sols sont couverts, non pas à 95 % ou 99 %, mais à 100 % en hiver. C’est l’une des seules régions où cela se passe ainsi. Tous ces gens ont fait des efforts et c’est pour cela qu’ils sont crédibles aujourd’hui quand ils font des propositions.
Tels sont les quelques éléments que je voulais préciser dans un esprit le plus consensuel possible. Nous ne sommes pas complètement en phase, mais sachons reconnaître que les choses ont évolué, y compris depuis cinq, six ans. Elles continueront à évoluer, c’est normal. Des progrès sont intervenus dans divers domaines, y compris dans celui de l’environnement.
M. Christian Jacob, président de la commission du développement durable. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. D’abord, je voudrais remercier Marc Le Fur pour trois des quatre sous-amendements qu’il a déposés, notamment celui qui reconnaît que le phénomène de nitrates est large et que la responsabilité est partagée – ce qui n’exonère personne de sa responsabilité.
Ensuite, je voudrais remercier le monde agricole breton.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Jean-Yves Le Déaut et moi-même vous remercions.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Quand je suis arrivé au ministère, je me souviens bien, j’avais deux dossiers brûlants sur la table.
Le premier concernait les aires résiduelles urbaines : 146 grosses stations d’épuration n’étaient pas aux normes, correspondant à 35 millions d’équivalent habitants, et le contentieux européen était majeur. C’était le véritable scandale des masses d’eau françaises. Les collectivités françaises se sont mobilisées : 104 stations ont été mises en conformité grâce à des travaux qui s’élèvent aujourd’hui à 6 milliards d’euros.
Le second contentieux concernait les nitrates sur vingt-neuf bassins versants. La tension était vive. Michel Barnier s’était rendu sur place, il était allé négocier ferme par ferme, relayé par Michel Cadot, son directeur de cabinet, et Christian Frémont, à l’époque mon directeur de cabinet. Les agriculteurs bretons ont consenti un effort majeur et ce contentieux nitrates est aujourd’hui derrière nous.
Je voulais dire cela pour replacer les choses dans leur contexte. Mme Jouanno a abordé la méthanisation dans son plan, et nous avons voté hier dans la nuit la possibilité de le vendre dans le réseau de gaz, il s’agit donc vraiment d’un schéma général.
Je pense profondément que nous sommes là au cœur du Grenelle. Peu importe le passé mes amis, le Grenelle, c’est comment tous ensemble, sans stigmatiser, mais en étant responsables, on règle les problèmes pour l’avenir de notre planète. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je voulais revenir sur la rédaction du sous-amendement n° 1658, deuxième rectification. Je pense qu’elle comporte une imprécision que le Gouvernement a rectifiée dans son amendement. En effet, vous mentionnez, monsieur Le Fur, dans la deuxième partie de votre sous-amendement : « Cette obligation vise tout utilisateur ou producteur d’azote, d’origine organique ou minérale, et notamment les agriculteurs tels que définis au L. 311-1 du code rural ».
Or, l’article L 311-1 du code rural vise non pas les personnes qui exercent, mais les activités. C’est pourquoi le Gouvernement a rectifié son amendement n° 999 et a utilisé la formule : « toute personne physique ou morale exerçant l’une des activités mentionnées à l’article L. 311-1 du code rural ». Sous sa forme actuelle, votre formulation est impropre, monsieur Le Fur, et rend peu applicable votre sous-amendement, alors que le Gouvernement a rectifié le sien. Vous devriez donc modifier en ce sens votre sous-amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur. Très précisément monsieur Le Bouillonnec, que souhaitez-vous rectifier ?
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je suis heureux de coopérer monsieur Le Fur, les Bretons s’aident entre eux ! Vous devriez reprendre la rectification faite par le Gouvernement sur son amendement, et écrire : « Cette obligation vise tout utilisateur ou producteur d’azote, d’origine organique ou minérale, et notamment toute personne physique ou morale exerçant l’une des activités mentionnées à l’article L. 311-1 du code rural ».
M. Marc Le Fur. Vous dites que l’article L 311-1 vise une activité plus qu’une profession. Cela ne me trouble pas de modifier le sous-amendement dans ce sens, mais nous sommes bien d’accord pour garder la suite du sous-amendement ? L’objet de mon sous-amendement, c’est justement la suite, c’est-à-dire que soient concernés non pas les seuls agriculteurs, mais aussi le monde de l’industrie, les collectivités, comme nous en avions convenu avec M. Germinal Peiro.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La référence sur laquelle vous devriez vous baser est la rédaction de l’amendement n° 999 telle que rectifiée par le Gouvernement.
M. Marc Le Fur. Le président Jacob semblait suggérer une autre solution.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob.
M. Christian Jacob, président de la commission du développement durable. Je suggérais de prendre en compte la remarque de M. Le Bouillonnec et de rectifier le texte en commission mixte paritaire.
M. Marc Le Fur. À condition que l’on conserve la suite du sous-amendement et que l’on évoque les autres coresponsables.
Mme la présidente. Je crois que cela a été clairement dit !
(Le sous-amendement n° 1658, deuxième rectification, est adopté.)
M. Marc Le Fur. Je retire le sous-amendement n° 1656.
(Le sous-amendement n° 1656 est retiré.)
(Le sous-amendement n° 1659 est adopté.)
(Le sous-amendement n° 1657 est adopté.)
(L’amendement n° 999 rectifié, sous-amendé, est adopté.)
Félicitation pour cette intervention.
Seul regret, que la discussion stigmatise autant les nitrates alors que dans cette affaire d’algues vertes la science
n’épargne absolument pas les phosphores.