Mme la présidente. La parole est à M. le président Pierre Méhaignerie.
M. Pierre Méhaignerie. Après les propos qui viennent d’être tenus, je voudrais éviter les dérives. Comme beaucoup d’entre nous, j’ai voté le Grenelle de l’environnement et je partage les ambitions de M. Grouard, de M. Pancher et de M. Cochet. Mais nous avons adopté, par la même occasion, des amendements tenant compte de la situation des régions périphériques. J’ai alors rappelé au Gouvernement, et je n’étais pas le seul, que j’avais dit lors de la privatisation des sociétés d’autoroutes que ce n’était pas la meilleure façon de financer l’AFITF, et les faits le confirment aujourd’hui. Les conditions de privatisation de ces sociétés n’ont pas été conformes au respect de l’intérêt de l’État et des contribuables.
Il est certes tout à fait normal que chaque région, y compris les régions périphériques, participe au paiement de la taxe poids lourd. Mais comment expliquer aux habitants que leur région, qui s’est battue pendant quarante ans pour sa desserte, paie 12 % de cette taxe alors qu’elle ne représente que 4 % de la richesse nationale ?
Je rappelle que nous avons mené, depuis quarante ans, une politique nationale d’aménagement du territoire. J’étais ministre de l’équipement en 1986, monsieur le secrétaire d’État, sous la houlette du Premier ministre de l’époque, Jacques Chirac, et nous avions décidé, avec l’ensemble du Gouvernement, que, pour toutes les régions périphériques à plus de 400 kilomètres de Paris – je ne parle pas de celles qui se situent au cœur de l’Europe –, nous ferions des autoroutes gratuites, pour prendre en compte le souci d’équilibre et d’aménagement du territoire.
Je rappelle à Yves Cochet, qui a quitté l’Ille-et-Vilaine depuis longtemps, que ce département, où le transport des marchandises est un élément crucial, surtout dans le secteur agroalimentaire, a financé 50 % de son réseau autoroutier gratuit.
Je suis prêt à défendre cette taxe, mais pas à accepter, au nom de cette politique d’équilibre du territoire, que les régions périphériques paient deux ou trois fois plus que celles qui sont au cœur de l’Europe. C’est pourquoi j’estime que ce l’on nous propose, même amendé par les propositions d’Hervé Mariton, ne correspond pas aux engagements pris lors du débat sur le Grenelle de l’environnement.
Mme la présidente. La parole est à M. François Vannson.
M. François Vannson. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai voté moi aussi, sans état d’âme, le Grenelle de l’environnement, et je suis sensible, moi aussi, aux arguments de M. Grouard et de M. Pancher. Cela étant, le transport routier représente quelque 40 000 entreprises et près de 400 000 emplois. Si nous mettons en place cette écotaxe de façon trop rigide, arbitrairement et sans concertation, le mieux risque de devenir l’ennemi du bien. Depuis plusieurs années, nos transporteurs routiers font de gros efforts en matière environnementale, en utilisant, notamment, des véhicules de moins en moins polluants. Or, monsieur le secrétaire d’État, il n’en va pas de même des transporteurs étrangers, c’est de notoriété publique.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. Il faut qu’ils paient !
M. François Vannson. On a déjà connu, dans le domaine social, la problématique du contrat de progrès. En ce qui concerne l’environnement, je ne voudrais pas que nous soyons confrontés à la même situation. Car je crains que nous n’ayons pas la possibilité d’absorber, du jour au lendemain, tous les flux de transports. Si nous pénalisons trop les entreprises françaises, nous créerons un appel d’air pour les transporteurs étrangers qui, eux, ne seront pas forcément aussi scrupuleux que nous.
Je tenais à appeler votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur la nécessité d’être prudent, sans toutefois, bien sûr, aller à contresens des contraintes environnementales. Mais soyons tout de même très vigilants en ce qui concerne l’application de cette écotaxe, car nous risquons d’aller également à contresens. Notre économie, qui travaille à flux tendus, demande beaucoup à nos transporteurs, et notamment de la réactivité. De grâce, organisons une grande concertation et soyons prudents dans la mise en place de cette écotaxe !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. Je ferai trois remarques.
D’abord, M. Vannson a tout à fait raison : une concertation est nécessaire. Nous savons bien que, même si le report modal se fait, ce que nous souhaitons tous, le transport routier représente aujourd’hui, sur l’ensemble du territoire, 80 % du fret ; il est le poumon de notre économie. Tout doit donc se faire dans la concertation et de manière intelligente. Il ne saurait en être autrement.
Ensuite, le chiffre de 12 % dont vous faites état, monsieur le président Méhaignerie, est normal, puisqu’il n’y a, pour l’instant, aucune autoroute à péage en Bretagne. Lorsque vous étiez ministre de l’équipement et de l’aménagement du territoire, vous avez, lors du CIADT du 23 avril 1987, décidé d’une autoroute pour mon département, reliant Saintes à Rochefort, ce dont je vous remercie, mais vous avez fait le choix qu’elle soit à péage, et nous l’avons accepté.
M. Pierre Méhaignerie. Et Lyon-Béziers ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. Certes, mais l’autoroute Bordeaux-Lyon est à péage, et le CIADT de 1987 n’a pas seulement décidé de réaliser des autoroutes gratuites – je pourrais vous fournir la liste.
Un dernier point, enfin, qui correspond à ce qu’a dit M. Vannson : je suis choqué de voir des dizaines de milliers de camions, en provenance de toute l’Europe et notamment de la péninsule ibérique, transiter par notre pays.
M. Marc Le Fur. Taxons le transit !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. C’est impossible, monsieur Le Fur, et vous le savez : on ne peut, dans le cadre de l’Europe, prendre une mesure qui ne s’appliquerait qu’à un seul pays.
Tous ces camions espagnols ou portugais, provenant de toute l’Europe, traversent notre pays, en ayant déjà fait le plein de carburant et de vivres – bouteilles d’eau et chewing-gum compris ; cela n’apporte pas un sou à l’économie française ! Au contraire, ce sont l’État et les collectivités qui paient, car ils utilisent non pas les autoroutes concédées, mais les routes gratuites. Nous ne pouvons continuer à tolérer cela ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, rapporteur spécial.
M. Hervé Mariton, rapporteur spécial. Ce débat est à la fois passionnant et extrêmement important, car il s’agit de la première mise en œuvre concrète du Grenelle de l’environnement.
Nous avons voté à la quasi-unanimité la loi de programme, qui exprimait des objectifs que nous avons partagés avec enthousiasme. Force est de constater que la mise en œuvre sera un exercice difficile et, en même temps, intéressant.
Il y a, dans le Grenelle de l’environnement, des amendements au projet que le Gouvernement nous a présenté. Nous y répondrons tout à l’heure avec des amendements que nous avons – et en particulier votre rapporteur – proposés au projet du Gouvernement, de manière à respecter l’esprit et la lettre du Grenelle de l’environnement. Il est bon que l’application du Grenelle se fasse dans des conditions justes, intelligentes et cohérentes. Il ne suffit pas de prononcer le mot « Grenelle » pour que tout devienne immédiatement et miraculeusement facile. Il est plutôt sain que nous ayons ce débat : il montre qu’il y a le Grenelle, qui est une loi de programme, et qu’ensuite, lorsque la loi est nécessaire – celle dont nous débattons aujourd’hui –, elle n’est pas soumise à la loi de programme. Elle doit être cohérente politiquement, et il nous appartient de délibérer.
La Bretagne représente à peu près 4 % du PIB national. Après la mise en œuvre du dispositif qui nous est proposé et qu’il faudra adapter pour répondre aux – justes – considérations géographiques votées dans le Grenelle, la part de l’écotaxe acquittée en Bretagne représentera 3 % de ce qui sera payé à l’échelle nationale. Il y a des régions où l’ensemble de la contribution se fera en péages et en impôts, mais, en Bretagne, cela se fera uniquement par l’impôt, soit 3 ou 4 %.
M. François Goulard. Cela veut dire qu’il n’y a plus d’aménagement du territoire !
M. Hervé Mariton, rapporteur spécial. Ces proportions ne me semblent pas vraiment choquantes.
Par ailleurs, je suis d’accord avec les propos de François Goulard sur les études d’impact. Notre discussion porte aujourd’hui sur la mise en place de l’écotaxe. Ce n’est sans doute pas la première fois qu’on le dit dans cet hémicycle, et je crains que ce ne soit pas la dernière, mais il serait bon que les études d’impact soient plus souvent au rendez-vous et, à l’évidence, monsieur le secrétaire d’État, le compte n’y est pas.
Un autre point n’est pas satisfaisant, nous l’avons évoqué lors du débat sur le Grenelle de l’environnement, j’y suis attaché et je l’ai dit tout à l’heure à Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie, c’est celui de l’isofiscalité. Je n’ai pas compris que le Grenelle de l’environnement signifiait une augmentation des impôts, mais qu’il pouvait s’agir d’un basculement d’un type d’impôt vers un autre.
M. Marc Le Fur. C’est une bonne question.
M. Hervé Mariton, rapporteur spécial. Lors du débat sur le Grenelle de l’environnement, M. le secrétaire d’État nous avait répondu que l’augmentation d’un impôt ne serait pas forcément compensée au même moment et dans le même champ. Il faudra bien, à un moment ou à un autre, que nous vérifiions cette compensation. Et, j’y insiste, monsieur Grouard, l’écotaxe n’est pas une redevance, mais bien une taxe. Si nous sommes cohérents avec nos choix politiques et avec les engagements pris lors de plusieurs campagnes électorales, nous devons dire : oui au « verdissement » de la fiscalité, mais sans augmenter les impôts !
M. François Goulard. Très bien !
M. Hervé Mariton, rapporteur spécial. Aujourd’hui, je ne vois pas de réduction d’impôt à l’horizon pour compenser l’écotaxe poids lourds. Je fais confiance au Gouvernement pour la mettre prochainement en œuvre. Mais il faudra bien un jour, et la commission des finances y est très attachée, faire le bilan et vérifier qu’aux augmentations d’impôts du fait de l’environnement, correspondent des réductions d’impôts.
Ce n’est pas à la première initiative qu’on fait le compte, monsieur le secrétaire d’État, je vous l’accorde. Mais nous devrons nous assurer de cet équilibre, faute de quoi la fiscalité verte finira par « coincer ». Pour ma part, je crois en la fiscalité verte en tant qu’élément d’une politique de l’environnement : elle ne doit pas être un prétexte à l’augmentation de l’impôt, fût-ce pour accomplir de belles missions. Quant aux modalités, nous en discuterons à l’occasion de l’examen des amendements qui vont suivre, sans oublier la concertation que vous allez continuer.
Je ne suis pas d’accord avec M. Goulard sur la question du calendrier. C’est pourquoi je crois que nous devons voter, ce soir, le texte amendé. Le Gouvernement a d’ores et déjà prévu que le financement de la politique d’infrastructures serait, dès 2011, partiellement assuré par le produit de la taxe poids lourds. En Allemagne, le calendrier de mise en œuvre de celle-ci est très volontariste.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. Ce sont les premiers !
M. Hervé Mariton, rapporteur spécial. Nous bénéficierons sans doute de leur expérience…
L’appel d’offres pourrait-il être lancé aujourd’hui sans que nous ayons voté l’article 60 ?
M. François Goulard. Bien sûr !
M. Olivier Carré. Ce serait une erreur !
M. Hervé Mariton, rapporteur spécial. Je ne suis pas spécialiste en la matière, mais je crois que c’est, en principe, possible. Je pense toutefois qu’un appel d’offres lancé en l’absence de précisions suffisantes sur son contenu risque fort de n’être que virtuel. Or, j’ai écrit dans mon rapport qu’il fallait absolument passer du virtuel au réel. Si nous voulons un appel d’offres et un travail de préparation à l’écotaxe qui ne soient pas virtuels, nous devons définir certaines choses dès aujourd’hui.
Il faut voter aujourd’hui, quitte à l’amender, l’article 60, sans quoi il n’y aura pas de taxe poids lourds. Il restera certes beaucoup de travail, par exemple sur les conditions de répercussion, sur la préservation de la compétitivité du secteur et sur les éléments géographiques, toutes choses dont nous avons délibéré lors du Grenelle. Nous pouvons avancer ce soir sur ces points, mais sans récuser la taxe dans son ensemble.
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Poignant.
M. Serge Poignant. Après avoir donné tout à l’heure l’avis de la commission des affaires économiques sur la suppression, ou non, de l’article 60, qui vise à instaurer cette écotaxe, je souhaite, monsieur le secrétaire d’État, que la modulation soit bien prise en compte, ainsi que l’ensemble des paramètres que nous avons intégrés dans l’amendement du Grenelle.
Je suis intervenu, au nom du groupe UMP, sur le Grenelle 1, que j’ai défendu dans son ensemble. Toutefois – et c’était aussi l’opinion du rapporteur, Christian Jacob, que j’associe à mes propos –, j’ai souligné le fait qu’il fallait porter attention à la vie de nos entreprises, à la concurrence nationale et internationale, ainsi qu’à l’aménagement du territoire. Cela étant, nous pouvons nous retrouver sur les modulations que nous avons souhaitées. Mais nous voulons aussi des aménagements dans d’autres domaines.
Nous allons maintenant examiner l’ensemble des amendements. Je souhaite, monsieur le secrétaire d’État, que vous portiez attention à ce que nous avons intégré dans le Grenelle : des aménagements de la taxe afin d’éviter que l’impact économique sur certains territoires soit excessif, eu égard à leur éloignement du centre de l’espace européen et de la faiblesse des modes de transports alternatifs à la route.
Nous souhaitons aussi, monsieur le secrétaire d’État, que vous organisiez très rapidement une concertation avec les élus et les professionnels du transport, qui l’attendent impatiemment.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. C’est bien ainsi, naturellement, que les choses se passeront, monsieur Poignant. Les amendements qui vont suivre, en particulier ceux de M. Mariton, permettront de mettre en œuvre l’ensemble de ces modulations.
(L’amendement n° 212 n’est pas adopté.)
……..
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 249 et 250, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur. Je retire le premier, et défendrai seulement le second.
Je voudrais que l’on ne caricature pas mes propos : il ne s’agit pas de défendre une région, mais d’obéir à la même logique que nous avons adoptée dans le Grenelle de l’environnement. Que l’on taxe les camions pour inciter les affréteurs à utiliser d’autres modes de transport, soit, mais certains transports ne peuvent se faire qu’en camion. Je pense au transport des produits frais, de viande en particulier, qui est soumis à des exigences sanitaires, de température et de délais. Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d’État, d’exclure cette catégorie de transport. Vous me répondrez que ce n’est pas le transporteur qui paiera, mais cela veut dire que ce sont les clients, c’est-à-dire, en dernière analyse, les consommateurs, qui paieront. Or, n’avons-nous pas été élus, entre autres, pour défendre le pouvoir d’achat des Français ? L’instauration d’une taxe sur les produits alimentaires se traduira, pour peu que votre logique du transfert vers le client soit retenue, par une augmentation des prix agroalimentaires et donc des prix alimentaires.
Je ne suis pas, je le répète, dans une logique régionale : l’exigence dont je viens de parler vaut pour toutes les régions. C’est une question de simple bon sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hervé Mariton, rapporteur spécial. L’analyse de notre collègue Le Fur est intéressante, mais la directive Eurovignette ne permet pas de différencier les véhicules selon leur nature de leur chargement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. Défavorable. Cela exclurait tous les camions marocains, espagnols, portugais qui transitent vers l’Europe du Nord, alors même que ce sont eux qui encombrent le plus notre réseau routier.
(L’amendement n° 249 est retiré.)
(L’amendement n° 250 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 231, dont M. Hervé Mariton m’indique qu’il est défendu.
(L’amendement n° 231, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 312, dont le Gouvernement m’indique qu’il est défendu.
(L’amendement n° 312 est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 230 et 239, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée, et dont M. Hervé Mariton m’indique qu’ils sont défendus.
(Les amendements nos 230 et 239, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 220 et 240, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour présenter l’amendement n° 220.
M. Marc Le Fur. Pour la clarté de nos débats, je retire l’amendement n° 220, dont la teneur sera reprise dans des sous-amendements, que je présenterai, à l’amendement n° 240 de M. le rapporteur spécial.
(L’amendement n° 220 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° 240.
M. Hervé Mariton, rapporteur spécial. Il s’agit de tenir compte d’éléments géographiques objectifs qui, je le pense, répondent à la préoccupation du président Méhaignerie et de M. Le Fur.
Cet amendement précise donc que les taux kilométriques seront minorés pour les départements périphériques, cela étant apprécié en fonction de critères objectifs.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour présenter ses sous-amendements nos 305 à 309.
M. Marc Le Fur. Lors de l’examen du Grenelle, nous avions entre autres obtenu, monsieur le secrétaire d’État, à votre initiative et à celle de M. Borloo, que cette fameuse taxe puisse respecter les régions périphériques – et je vous fais confiance pour cela. Lorsque vous vivez à la pointe la plus occidentale de l’Europe et que vos clients habitent à Paris, en Italie et en Allemagne, cela crée une difficulté objective.
L’idée, qui a été retenue dans son principe – respectons les principes que nous avons nous-mêmes votés ! –, consiste à atténuer la charge de l’impôt pour ces régions, d’où mon premier sous-amendement, n° 305. Il ne s’agit pas de l’atténuer à la marge, comme le propose M. Mariton, qui ne va pas assez loin, même s’il va dans le bon sens en proposant de minorer les taux kilométriques de 25 %. Je propose 35 %. Car 25 %, c’est de la charité, alors que 35 %, cela devient raisonnable. (Exclamations sur divers bancs.)
Dans le sous-amendement n° 306, il s’agit de remplacer le mot : « départements » par le mot : « régions ». Vous ayant écouté tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, je veux croire que vous y serez favorable. En effet, vous avez dit qu’il fallait tenir compte des régions périphériques, et non pas des départements ! Pourquoi pas des cantons, tant que nous y sommes ? Retenir des limites administratives, qui n’ont pas de sens en termes économiques, risque d’occasionner des difficultés inextricables.
L’esprit du sous-amendement n° 307 est le même. Il s’agit de tenir compte des régions qui sont les plus périphériques et dans lesquelles il n’y a pas de possibilité de transports alternatifs. Lorsque la marée qui arrive à Douarnenez ou à Guilvinec part pour Paris, le véhicule revient, dans la plupart des cas, à vide. Vous nous dites, monsieur le secrétaire d’État, que le coût du retour pourra être répercuté sur le client, mais au retour, il n’y a pas de client ! Je vous pose donc une question très simple : sur qui répercuter ? J’ai la conviction, pour ma part, que ce n’est sur personne.
Moi, j’ai les pieds dans la glaise, je prends des exemples très concrets. Je sais que nos transporteurs transportent des produits pondéreux de l’Ouest vers l’agglomération parisienne, la vallée du Rhin ou l’Italie, et qu’ils reviennent soit à vide, soit avec du fret bradé, puisque l’on trouve très peu de fret de pondéreux pour aller de l’agglomération parisienne vers la Bretagne.
Ces éléments très simples démontrent que votre argument de la prétendue répercussion sur le client ne tient pas, puisque, dans les hypothèses que j’évoque, il n’y a pas de client.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces sous-amendements ?
M. Hervé Mariton, rapporteur spécial. S’agissant du montant de la minoration – 25 % ou 35 % –,je crois que nous pouvons convenir avec notre collègue Le Fur que la charité ne s’achète pas…
S’agissant du débat entre « régions » et « départements », je rappelle que le projet de loi de programme parle, avec beaucoup de sagesse, de « territoires ». Dans mon esprit, il s’agit d’avoir une appréciation aussi objective que possible de critères géographiques. Il faut donc descendre à un niveau de précision qui soit suffisant. Le niveau infra-départemental, j’en suis d’accord avec Marc Le Fur, serait artificiel, et sans justification économique. Mais au-delà du département, on n’aurait plus vraiment de critère objectif permettant de procéder aux adaptations nécessaires, comme l’a voulu le projet de loi relatif au Grenelle de l’environnement, qui parle, je le répète, de « territoires ».
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement et les sous-amendements ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. Défavorable aux sous-amendements, et favorable à l’amendement de M. Mariton, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n 314 du Gouvernement, qui tend à remplacer la formule, trop complexe, proposée dans le b) de l’amendement par les mots : « la faiblesse de l’offre alternative à la route ». Cette rédaction nous paraît moins technocratique – non que celle de M. Mariton le soit (Sourires), mais la nôtre sera peut-être plus facilement comprise par nos concitoyens, tout en respectant l’intention de l’auteur de l’amendement.
M. Marc Le Fur. J’attends toujours la réponse du Gouvernement à mes sous-amendements !
Mme la présidente. M. le secrétaire d’État vient de s’exprimer sur l’ensemble des sous-amendements.
La parole est à M. Pierre Méhaignerie.
M. Pierre Méhaignerie. Je continue de le répéter : la Bretagne, avec 4 % de la richesse nationale, va payer 12 % de la taxe. Le Gouvernement aurait pu faire un geste en acceptant de minorer davantage les taux kilométriques. C’eût été au moins un effort de compréhension. Las, je constate qu’il ne l’a même pas fait.
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Poignant.
M. Serge Poignant. Le Gouvernement a bien fait de déposer son sous-amendement. L’offre intermodale est en effet l’un des critères qu’il faut faire entrer en ligne de compte. La formulation proposée par M. le secrétaire d’État est un peu différente de celle de M. Mariton, mais ils sont d’accord sur le fond.
Sur le sous-amendement n° 305, je m’abstiendrai. Je comprends qu’une minoration de 35 % puisse poser problème, soit qu’elle entraîne un report du trafic sur d’autres départements, soit tout simplement pour des questions budgétaires, par rapport aux volumes attendus. Mais je m’abstiendrai de voter contre, car je ne souhaite pas, monsieur le secrétaire d’État, que l’on descende, par exemple à l’occasion de la navette, en dessous de 25 %. La minoration de 25 % peut être acceptée, mais attention à ne pas aller plus loin !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. Que M. Poignant se rassure : il va de soi que nous maintiendrons ce taux de 25 %.
(Les sous-amendements nos 305, 306, 307 et 308, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(Le sous-amendement n° 314 est adopté.)
(Le sous-amendement n° 309 n’est pas adopté.)
(L’amendement n° 240, sous-amendé, est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 221 et 242, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 221.
M. Marc Le Fur. Il s’agit à présent du taux de la taxe elle-même. Le texte est très imprécis, puisqu’il prévoit que le taux kilométrique sera compris entre 5 et 30 centimes par kilomètre. D’autre part, un maximum de 30 centimes, c’est lourd, trop lourd.
Je propose d’adopter une attitude plus raisonnable. Le taux devrait être au maximum de 15 centimes par kilomètre. Pourquoi ? Parce qu’en l’état de mes informations, le coût du kilomètre sur autoroute est aujourd’hui de l’ordre de 16 centimes. Mon idée est donc simple : ne taxons pas davantage les routes que les autoroutes, lesquelles rendent un service que l’on peut apprécier très objectivement, en plus de la mise à disposition de l’asphalte, en quelque sorte.
J’ajoute, monsieur le secrétaire d’État, que, d’après ce que je crois savoir, vous n’envisagez pas d’aller jusqu’à 30 centimes.
M. François Goulard. C’est plutôt Bercy !
M. Marc Le Fur. Dans ces conditions, dites clairement que vous n’allez pas retenir ce chiffre, qui fait peur. Si Jacques Le Nay, Pierre Méhaignerie, François Goulard et moi-même sommes ici pour vous parler de cette taxe, c’est parce que, chez nous, les entreprises font leurs calculs et constatent qu’elle leur coûtera plus cher que la patente qu’elles paient chaque année. Pour elles, ce n’est pas un sujet abstrait ! Au moins, rassurez-les, en n’agitant pas ce chiffre de 30 centimes, et en revenant à quelque chose de raisonnable. La comparaison avec le prix de l’autoroute me semble compréhensible par tous.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, rapporteur spécial, pour soutenir l’amendement n° 242 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 221.
M. Hervé Mariton, rapporteur spécial. Je propose d’abaisser le taux minimum à 2,5 centimes et le taux maximum à 20 centimes, soit le même que celui qui a été retenu pour la région Alsace. Le taux maximum serait ainsi homogène sur l’ensemble du territoire, sous réserve des dispositions d’abattement que nous avons examinées tout à l’heure.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 242 et défavorable à l’amendement n° 221.
Monsieur Le Fur, nous sommes pour l’instant dans le cadre de la directive Eurovignette actuelle, qui ne permet pas de dépasser 12,5 centimes. Le chiffre que vous avez cité pour les autoroutes est la moyenne actuelle. Nous verrons en 2012 où nous en serons par rapport à la nouvelle directive Eurovignette, si elle est adoptée d’ici là. Elle devrait nous permettre d’introduire plus de souplesse, cette souplesse dont parlait Martial Saddier tout à l’heure dans son excellente intervention. Nous pourrons moduler cette taxe, par exemple pour les zones de montagne. Mais pour l’instant, la souplesse proposée par M. Mariton me convient parfaitement.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur. J’ai du mal à comprendre. Je crois que l’on peut abaisser le taux maximum jusqu’à 15 centimes, mais le ramener à 20 centimes est déjà un progrès. Tout ceci illustre, soit dit en passant, la nécessité d’une étude d’impact, comme le disait François Goulard tout à l’heure. Prenons donc ce qui est bon à prendre, mais la logique aurait voulu que l’on respecte la directive européenne actuelle, et que l’on prenne en compte la comparaison avec le prix des autoroutes.
Cessons d’agiter des chiffons rouges ! Le chiffre de 30 centimes faisait très peur : 20 centimes, c’est déjà mieux, et je vous en remercie, monsieur le rapporteur, mais j’aurais préféré 15 centimes.
(L’amendement n° 221 n’est pas adopté.)
(L’amendement n° 242 est adopté.)
Je suis saisie d’un amendement n° 166.
La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur. Je le retire.
(L’amendement n° 166 est retiré.)
Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement, n° 229, dont M. Hervé Mariton m’indique qu’il est défendu.
(L’amendement n° 229, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 145.
La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur. Il s’agit du coût de la collecte, car nous atteignons là un sommet ! En l’état de nos informations, cette recette d’un milliard va susciter un coût de collecte de l’ordre de 25 % – et les comparaisons internationales, notamment avec l’Allemagne, confirment ce chiffre. On est dans la logique des Shadoks : pour un milliard, on va dépenser 250 millions. Et au bénéfice de qui ? Essentiellement de conglomérats privés, peut-être étrangers, qui effectueront cette collecte.
Au moins, fixons-nous un objectif de bon sens : que ce coût ne dépasse pas 12 %. Nous créons un droit fiscal tout à fait nouveau, en confiant la collecte d’un impôt à des partenaires privés. Nous restaurons en quelque sorte, comme je l’ai dit tout à l’heure, les fermiers généraux. Mais, au moins, ne leur laissons pas trop d’argent !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hervé Mariton, rapporteur spécial. Le retour de l’État ne justifie pas celui des fermiers généraux, mais ne dispense pas non plus de considérer que les partenariats public-privé peuvent être une forme intelligente de gestion publique. La crise doit nous secouer et nous stimuler, elle ne nous oblige pas à revenir en arrière.
Cela étant, le coût de gestion est une vraie question. Lancer l’appel d’offres assez tôt peut permettre de bien gérer un dossier. Les coûts en Allemagne sont extrêmement élevés, et l’on peut craindre qu’ils le soient en France également. Le chiffre de 25 % est en effet souvent cité. C’est en tout cas celui que l’on constate en Allemagne. Plus le Gouvernement pourra être en mesure de réduire les coûts de gestion, mieux ce sera. Sur ce point, M. Le Fur a raison.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. Défavorable. Cela dit, les coûts doivent effectivement être aussi bas que possible. Nous recourrons vraisemblablement au système européen de navigation par satellites Galileo. L’industrie française en sera l’une des premières bénéficiaires, ainsi que toutes les régions, y compris la vôtre.
J’ajoute que nous utiliserons ce dispositif de concession pour l’axe Le Mans-Rennes, l’un des premiers projets qui sera financé précisément par l’éco-redevance.
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Poignant.
M. Serge Poignant. Que le coût de la collecte puisse revenir à 250 millions pour un milliard pose question. Je souhaite que le Gouvernement accorde toute son attention à ce problème.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. La remarque de M. Poignant est frappée au coin du bon sens : il faut baisser le plus possible le coût de collecte, et donc ne pas suivre l’exemple allemand qui nous montre ce qu’il ne faut pas faire. Nous nous fixons des objectifs raisonnables et retiendrons les expériences étrangères qui y correspondent le mieux. Par ailleurs, la forfaitisation, que plusieurs d’entre vous ont proposée, est susceptible de faire baisser fortement le coût de la collecte.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Binetruy.
M. Jean-Marie Binetruy. M. Le Fur a tout à fait raison de veiller au coût de collecte – ne retombons pas dans les errements de la redevance télé ! –, mais le taux de 12 % me semble trop optimiste.
M. Pierre Méhaignerie. Il a raison !
M. Jean-Marie Binetruy. Il y aura peut-être des infrastructures à créer, et il faudrait, dans ce cas, fixer un délai. Il est certain que, la première année, le coût sera de plus de 12 %.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur. Nous devons absolument nous fixer un objectif chiffré. Si nous disons à nos compatriotes que nous allons lever un impôt d’un milliard sans nous fixer un coût maximal de collecte, nous ne faisons pas notre devoir de législateurs.
Par conséquent, je rectifie mon amendement en portant à 15 % le plafond du coût de collecte.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement rectifié ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. Le Gouvernement ne peut pas donner d’avis : on ne sait rien encore puisqu’on va lancer un appel d’offres. En tant qu’élu local, monsieur Le Fur, vous savez bien que, lorsqu’une collectivité lance un appel d’offres, elle ne connaît pas le résultat à l’avance.
On ignore, de surcroît, quelle sera la situation économique au moment du lancement de cet appel d’offres.
M. Marc Le Fur. On ne s’adresse pas à des magasins !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. Monsieur Le Fur, il faut être raisonnable et ne pas céder à la démagogie. Le Gouvernement prend un engagement sur cette question que vous posez tout à fait légitimement. Puisque cet argent va aux infrastructures,…
M. Marc Le Fur. Pas le coût de la collecte !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. Plus le coût de collecte sera bas, plus il en restera pour les infrastructures ! Nous avons tous intérêt – parlementaires, Gouvernement, administrations, collectivités – à ce que le coût de collecte soit le plus bas possible. C’est l’objectif que nous nous fixons.
Le bon sens et notre expérience de gestionnaires de collectivités nous ont rendus économes de l’argent public. Tant que l’appel d’offres n’est pas lancé, on ne peut rien dire d’autre.
(L’amendement n° 145, tel qu’il vient d’être rectifié, n’est pas adopté.)