Portrait de Marc Le Fur
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Assemblée Nationale Conseil Régionale de Bretagne Marc Le Fur
Marc Le Fur, Député des Côtes d'Armor, Consieller Régional de Bretagne
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Débat de bioéthique : intervention sur la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires

Le 12 février 2011

M. Marc Le Fur. L’article 23, concernant les recherches sur les embryons et les cellules souches, est au cœur de ce texte. Je vous informe que je voterai contre, sauf si des modifications substantielles y sont apportées par voie d’amendement.

Vous avez raison, monsieur le président Claeys : la transgression ne commence pas au moment de la recherche sur l’embryon. Elle commence en amont, à partir de l’instant où nous produisons des embryons qui, pour bon nombre d’entre eux, n’aboutiront pas à un projet parental et que nous conservons malgré tout. C’est pour cette raison que, lors du débat sur la procréation médicale assistée, nous avons souhaité restreindre le nombre d’embryons créés et utilisés à trois.

Nous étions parvenus à un compromis, monsieur le rapporteur, lors du débat en commission, et ce compromis a été en quelque sorte rompu tout à l’heure. Il était pour nous important.

Du fait de cette rupture, nous ne tarissons pas la source de création constante d’embryons.

Si le sujet majeur est celui du stock, là, nous poursuivons le flux !

Le débat, entendons-nous, porterait sur le choix entre l’interdiction avec dérogations et l’autorisation encadrée. J’avoue qu’au début, bien naïf, j’étais plutôt rassuré, monsieur le rapporteur, par le mot « interdiction », mais, hélas, je suis de plus en plus convaincu que ce prétendu débat de fond est en quelque sorte orchestré et que ce n’est pas le vrai débat. C’est une habileté, le moyen d’affirmer un principe pour mieux y déroger. L’affirmation d’un principe n’est que le masque dont on s’affuble pour organiser la dérogation. Les situations sont donc analogues dans les deux cas.

Le but qui doit être poursuivi, monsieur le rapporteur, n’est pas de rassurer les uns et les autres. Nous avons parfois le sentiment que vous souhaitez rassurer les chercheurs, mais cela ne changera rien. De même, vous voulez rassurer l’aile que certains qualifieront je ne sais trop comment…

 traditionnels, cathos…

Vous les rassurez avec l’interdiction. J’ai le sentiment que le couple interdiction-dérogations est une anesthésie pour cathos !

Nous n’acceptons pas cette logique. Nous considérons que le vrai débat n’est pas là. Le vrai débat, c’est : soit l’embryon est un être humain en devenir et, dans ce cas, la recherche avec destruction n’est pas licite, sauf peut-être dans quelques cas exceptionnels très précis, soit il ne s’agit pas d’un être humain et, à ce moment, la logique peut être celle de l’autorisation. C’est ça, l’alternative, et non pas ce qui nous est présenté.

L’alternative que vous posez, celle de l’interdiction avec dérogations, je la compare au gruyère, où il y a plus de trous que de fromage !

C’est hélas ce que vous nous proposez. Je suis plutôt partisan de l’emmental, qui a peu de trous. Pardonnez-moi cette comparaison alimentaire, mais elle me semble très parlante.

Certains affirment que nous n’avons pas le choix et qu’il faut mener des recherches sur l’embryon. Ce raisonnement était pertinent en 2004 : nous n’avions pas le choix effectivement car, à l’époque, Yamanaka et d’autres n’avaient pas encore obtenu les résultats qui ont été connus en 2006. Désormais, d’autres types de recherches, sur des cellules adultes reprogrammées, sont de l’ordre du possible.

Nous ne sommes donc plus dans la situation de 2004. Il existe à présent des alternatives qui ne posent pas les mêmes problèmes éthiques.

En commission, le président Claeys a affirmé que, si la recherche était possible sur les cellules adultes, c’est que des recherches sur l’embryon avaient été menées au préalable.

Non ! C’est parce que nous avons abouti à une impasse dans les recherches sur l’embryon qu’il a fallu trouver autre chose.

Je ne suis pas un chercheur éminent comme vous, monsieur Le Déaut, mais je ne suis pas le seul à le dire.

Pourquoi poursuivre la recherche sur les cellules embryonnaires ? Je ne sais pas mais je crains que derrière ne soient certains gros intérêts. « Seule la bannière du marché », a récemment écrit Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Lejeune – on peut aimer ou non, c’est le raisonnement qui compte – « celle de la fécondation in vitro et l’industrie du médicament rallient les promoteurs de la recherche sur l’embryon. » Voilà des réalités dont il faudrait nous démontrer qu’elles sont fausses ! « Pour améliorer les performances de la procréation assistée comme pour tester la toxicité de nouveaux produits », il faut disposer d’embryons. Démontrez-nous le contraire ! À ce jour, je n’ai pas entendu une telle démonstration.

Je suis plus surpris encore par un élément qui n’a jamais été cité dans le débat. J’ai en effet relevé un paradoxe tout à fait étonnant qui me laisse plus que perplexe. Au moment où nous posons la question des dérogations accordées pour la recherche sur l’embryon, l’Europe a adopté, le 20 septembre 2010, une directive 2010-63 UE relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques, qui interdit la recherche sur les embryons des grands primates. Je vous invite à en prendre connaissance et je vous en lis un extrait : « Il convient que la présente directive relative à l’interdiction de la recherche sur l’embryon des grands primates s’applique aussi aux formes fœtales des mammifères. […] Il est démontré scientifiquement que des procédures appliquées à des formes embryonnaires et fœtales à un stade de développement plus précoce peuvent occasionner de la douleur, de la souffrance, de l’angoisse ou un dommage durable. »

Quelle situation extraordinairement paradoxale où l’Europe régit la recherche sur les embryons des grands primates et les protège donc – je n’ai pas d’opinion à ce sujet – au moment où nous-mêmes ouvrons d’autres perspectives à la recherche sur l’embryon humain ! Il faudra m’expliquer cette contradiction, que je juge impressionnante, révélatrice d’une révolution anthropologique, d’une inversion totale des valeurs.

Aujourd’hui, il nous faut aller au fond des choses. Je crains des évolutions de mots. Avant 2004, nous affirmions que des dérogations ne pourraient être possibles que pour un champ thérapeutique. Nous substituons à présent au mot « thérapeutique » le mot « médical ». J’y vois une ouverture excessive : auparavant il était permis de déroger pour guérir, désormais il sera permis de déroger pour connaître.

J’attends vos explications et y serai très attentif.

Je me méfie également des fameux tests de toxicité. En bombardant l’embryon de produits tests, on ne prétend pas apprendre à guérir mais vendre un produit dont on sera sûr qu’il ne sera pas toxique pour ses utilisateurs, c’est-à-dire que l’on se donne un cobaye par définition gratuit et consentant. Attention à ce type de dérive ! N’y a-t-il pas derrière non seulement des enjeux financiers mais aussi une posture idéologique ?

Quelque chose nous rassemble : le respect de la dignité de l’être humain et sa non-marchandisation. Croyez-vous que l’octroi de dérogations pour la recherche sur l’embryon soit de nature à respecter la dignité de l’être humain ? Peut-être peut-on imaginer certaines dérogations, mais à la condition, comme l’ont rappelé mes collègues, à l’instar de M. Mariton, qu’elles soient plus strictement encadrées.

Nous savons que des alternatives existent aujourd’hui à la recherche sur l’embryon : celles sur le cordon embryonnaire et sur les cellules souches adultes reprogrammées. Ces alternatives ne posent pas les mêmes problèmes éthiques que la recherche sur l’embryon. Ne manquons pas l’occasion de réorienter nos recherches dans un sens plus humain.

En observant le régime d’interdiction avec dérogations multiples que vous nous proposez, je vous avoue mon insatisfaction. Je demande à être contredit, monsieur le rapporteur.

À ce stade, au vu des interventions en commission, je crains que ne soit en jeu le respect dû à la personne humaine.

2 commentaires pour “Débat de bioéthique : intervention sur la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires”

  • Monsieur le Député,

    Je vous remercie de votre courageuse intervention sur la nature de l’embryon. Dans le climat du jour, il devient en effet bien difficile de simplement rappeler que l’embryon est un être humain et
    qu’à la naissance ce n’est jamais un lézard ou une hirondelle qui apparaît. Il  n’est que de lire les lazzis de certains de vos collègues lors des débats, lorsque l’un ou l’autre à l’audace
    de vouloir protéger l’espèce humaine, pour s’en persuader.

    Merci encore et continuer.

    B. du Peyroux

  • Bravo ! vous défendez l’être humain et osez dénoncer les dérives qui veulent réduire l’embryon humain à une marchandise