Au mois de janvier, le Président de la République lançait une initiative afin de renouveler l’organisation, le rôle et le périmètre de nos Régions.
Au début, bien que député d’opposition, j’ai pensé que ce projet pouvait être bon pour l’ensemble de notre Nation. J’y voyais une occasion de renouvellement et de respiration pour nos territoires.
J’y voyais aussi une chance à saisir pour ma région, la Bretagne.
Au début, je me suis dit « chiche ». Voilà peut-être une façon intelligente de sortir de la léthargie dans laquelle s’enferme la France depuis deux ans.
J’y voyais la possibilité de créer des régions non pas seulement administrées mais enracinées dans des réalités locales économiques, sociales et culturelles.
J’y voyais la possibilité de réduire réellement le millefeuille administratif en supprimant les départements qui ont apporté une contribution à notre histoire mais dont l’histoire à l’évidence s’achève.
J’y voyais l’occasion de conjuguer deux volontés qui ne sont pas contradictoires et de réaliser des économies et rendre notre démocratie plus lisible.
J’y voyais enfin la possibilité de pousser plus loin la décentralisation et de faire de la Région un vrai point d’équilibre face aux métropoles et de rester ainsi fidèle à cette belle tradition française qu’est l’aménagement du territoire.
J’y voyais, enfin et surtout pour la Bretagne, la possibilité de se réunifier en retrouvant Nantes et le cinquième département de Loire-Atlantique.
J’y voyais la possibilité d’en finir ainsi avec le décret de Vichy en 1941, qui divisa la Bretagne et lui arracha Nantes, et la Loire-Atlantique, Châteaubriant, Clisson, Guérande….
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Mais le 2 juin 2014, funeste jour s’il en est, lorsque du haut de son bureau élyséen le Président de la République dessina la carte, j’ai compris que nous allions à l’échec !
Cet échec est fondamentalement dû à l’idéologie jacobine qui sous-tend tout le projet gouvernemental.
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Le jacobinisme se révèle d’abord dans la méthode qui a présidé à l’élaboration de la carte.
Pour le jacobin, tout vient d’en haut : l’idée, puis la décision émanent d’un être supposé éclairé et nécessairement parisien.
C’est ce à quoi nous avons assisté le 2 juin : une carte – ou plusieurs puisqu’il y en a plusieurs le même jour – est élaborée dans un bureau à l’Elysée, puis présentée ex cathedra le soir même au bon peuple.
La France est le seul pays où l’on peut encore assister à de telles dérives !
Imagine-t-on un seul instant Mme Merkel à Berlin, découpant la Bavière ?
Une carte authentique ne se dessine pas, elle se constate.
Les pouvoirs publics ont simplement vocation à la constater, à respecter les réalités humaines qui préexistent à leur décision.
Le 2 juin fut tout autant caractérisé par l’amateurisme que par le dirigisme !
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L’amateurisme : rappelons-nous cet article du Président de la République communiqué à la presse à 18 heures où était laissé en blanc le nombre final de régions qui ne fut connut qu’à 22 heures !
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Le dirigisme : les gens n’ont à la bouche que les mots « République », « Démocratie », « Démocratie participative », « Débat »… Et là rien du tout !!!!
On ne consulte pas les collectivités locales, concernées, on ne tient pas compte des opinions des populations !
Ainsi par exemple, tous les sondages le prouvent, les bretons des quatre départements de la Bretagne administrative et les bretons de Loire-Atlantique aspirent à construire un avenir commun, or le gouvernement et sa majorité n’en tiennent aucunement compte !
Ceci est d’autant plus absurde qu’il s’agit de bâtir non pas des démembrements de l’administration de l’Etat, mais des collectivités humaines.
On ne tient pas compte du peuple et de ses représentants.
J’ai la conviction hélas que les jeux sont déjà faits, que la carte ne bougera pas !
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Une autre méthode était pourtant possible !
Rappelez-vous le rapport Balladur !
Un ancien Premier Ministre, Edouard Balladur, associé à un autre ancien Premier Ministre, Pierre Mauroy, ont travaillé durant des mois et multiplié les auditions, et ont élaboré une carte autrement plus pertinente qui respectait la réalité de l’Alsace, qui reconstituait une Bretagne à cinq départements, comme nous le souhaitons.
La méthode est terriblement jacobine : tout vient du centre et il n’est question d’amender la carte que pour respecter les vœux des grands barons socialistes.
Comme le Président du conseil général de la Charente qui su parler et obtint le rattachement du Poitou-Charentes à l’Aquitaine !
C’est vrai que l’on n’a guère entendu les élus bretons défendre la Bretagne à cinq départements.
Alors que nous avons deux ministres bretons, trente députés bretons, dont l’un n’est autre que le Président de la commission des lois !
Mme Appéré était au moins cohérente elle exprime sa préférence pour une fusion de la Bretagne et des Pays de Loire mais les autres qui se prétendent favorable à une Bretagne à cinq où sont-ils ?
Le peuple lui s’est exprimé.
Ainsi le 19 avril, le 28 juin, dans les rues de Nantes, 15 000 bretons manifestent, dans le calme, dans la diversité politique. J’étais aux côtés de Paul Molac, François de Rugy et Christian Troadec. Nous avons démontré ainsi notre volonté commune et seuls les socialistes ont boudé ce rassemblement.
Le gouvernement reste sourd aux appels des bretons !
Ces bretons, on ne les entend pas, on ne veut pas les entendre !
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Dérive jacobine dans la méthode, dérive jacobine sur le fond.
Le jacobin de 1790 exigeait des départements de taille équivalente. Maintenant, il faut partout des régions de taille uniforme et de taille importante.
Il fallait pour le jacobin de 1790 des départements de taille modestes qui ne puissent résister à l’Etat. Il faut aux jacobins d’aujourd’hui des grandes régions pour que celles-ci ne parlent pas au peuple.
L’idée de systématiser les grandes régions est une erreur pour plusieurs raisons.
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La première erreur est celle de l’idée d’une taille optimale : il faudrait nécessairement de très grandes régions.
Il s’agit d’une erreur, regardez les landers allemands
Que d’ignorance ! Le plus petit land allemand et celui de Brême avec 600 000 habitants et le plus gros est celui de Bavière avec 12.5 millions d’habitants. Où est la fameuse taille critique ? Pourquoi ne veut pas admettre que les landers allemand ne sont pas le fruit d’un esprit administratif qui aurait découpé l’Allemagne, mais le résultat d’une histoire et de cultures régionales.
Guillaume Larrivé l’a très bien exprimé pour la Bourgogne.
La solution n’a pas à être uniforme, les régions peuvent être de taille très sensiblement différentes. La solution n’est pas la même selon les territoires. Le systématisme, l’esprit de géométrie doivent laisse la place aux réalités de nos territoires.
Une Bretagne à cinq départements représenterait environ 4.5 millions d’habitants, soit une région un peu plus grosse que l’Irlande et un peu plus petite que le Danemark. Elle serait plus grosse que 11 des 16 landers d’outre-Rhin. Que l’on ne vienne pas nous dire que pour exister il faudrait se fondre dans un grand ouest banalisé.
Une Bretagne à cinq départements aurait la taille de la Louisiane avec 4,5 millions d’habitants, et la Louisiane est le 25 ème Etat en taille sur les 50 Etats américains.
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La taille optimale, puisque vous êtes dans cette logique, doit être appréciée au regard des compétences transférées.
Quelles compétences envisagez-vous de transférer ?
En l’état de vos projets, de ceux que nous connaissons, vous n’envisagez de transférer aux régions que des compétences aujourd’hui exercées par les conseils généraux : collèges, routes départementales, transports…
Dans cette perspective, je ne vois pas l’intérêt de grandes régions !
On risque de perdre en proximité, sans gagner en efficacité !
Pour les populations concernées, je vois même une menace dans le projet Ayrault de la confusion entre Bretagne et Pays de la Loire, confusion dont ne veut pas la population.
Nous ne sommes pas là pour fournir des « lots de consolation » à d’anciens Premiers Ministres désoeuvrés …
L’élément majeur pour la région n’est pas leur taille mais leur cohérence !
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Le vrai sujet est « l’affectio societatis »
Que veut dire ce mot ?
Pour que des gens vivent ensemble et se dessinent un avenir commun. Pour qu’ils acceptent de consentir les sacrifices cela exige une solidarité admise.
Encore faut-il qu’ils aient la conviction de partager ensemble une histoire commune, un même sentiment d’appartenance, une même identité.
Je lâche à dessein ce mot qui fait peur aux bien-pensants !
Oui, il existe des identités régionales et je constate que vous les niez ! Car les régions qui ont les identités les plus fortes, sont les plus lésées !
L’Alsace est fondue dans un grand ensemble banalisé le grand est champagne/ Lorraine/Alsace – un ensemble tellement vaste, que l’on ne sait pas comment l’appeler.
Quand on ne sait pas nommer les choses, c’est qu’elles n’existent pas, qu’elles ne parlent pas aux gens.
Oui, il existe une identité bretonne, une Bretagne réunie à cinq département avec Nantes, sa métropole la plus dynamique. C’est pour cela que nous ne voulons pas de la confusion avec les Pays de la Loire.
Je crois à l’identité qui pousse à prendre des initiatives ensemble. L’identité qui rend heureux lorsqu’on la partage. C’est cette identité heureuse qui doit être le socle de nos régions. Une identité qui n’est pas exclusive, une identité plurielle, mais une identité respectée et aimée.
Une identité gage de l’efficacité. Quelles sont les régions qui marchent en Europe ? Des noms viennent vite à l’esprit : la Bavière, la Catalogne, autant de régions à forte identité, historique, culturelle et qui aujourd’hui et en raison des éléments ont la capacité de se projeter dans l’avenir.
Ces régions sont des exemples, leur réussite est très étroitement liée à leur identité et à leur capacité à mener un vrai projet régional partagé par les populations.
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En Bretagne, comme en Alsace ou dans les autres régions à forte personnalité, personne ne se retrouve dans votre projet. La déception est encore plus grande qu’un véritable espoir avait levé : celui de voire reconnue, enfin, la réalité charnelle des régions, au-delà de leur simple administration.
C’est là où est votre embarras. Vous défendez une carte administrative, là où nous aspirons à la définition d’une carte humaine.
Le Général de Gaulle l’avait compris dans son discours de Quimper en 1969, et dans son projet de référendum.
Il avait compris que le sujet était humain et culturel. Il avait choisi d’annoncer cette réforme à Quimper, dans une ville si marquée par une langue, une culture, une tradition.
Tous les conservatismes se sont ligués contre lui, et depuis nous n’avons jamais retrouvé le souffle de 1969. Les décentralisations qui ont suivi, y compris celle de 1982, ont parlé aux élus, rarement au peuple.
Je constate aujourd’hui que l’on ne parle toujours pas au peuple, et que quand on parle aux élus, c’est aux seuls élus socialistes.
En niant la réalité des régions, en niant le sentiment d’appartenance vous privez nos régions d’une véritable ambition.
Pourquoi est-ce grave ?
Par ce que chacun le constate, votre Etat central est in-réformable, englué qu’il est dans le conservatisme.
Nous avons un Etat obèse, impotent, qui a des velléités d’omnipotence, mais qui n’agit plus sur les choses. L’Etat allie la suffisance et la prétention à l’impuissance.
Si notre société veut retrouver des espaces de liberté, il faut des régions fortes, vivantes, appropriées par leurs habitants.
L’Etat central est désormais assimilé à la glorification du principe de précaution, qui est devenu un principe d’inaction.
Les régions doivent refléter au contraire le dynamisme, l’initiative, l’énergie et nous permettre d’aller de l’avant « war rog », disons nous en breton !
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La société civile va plus vite que vous.
Regardez les entreprises rassemblées dans « Produit en Bretagne » qui fédère les grandes entreprises bretonnes dans le domaine agricole et industriel, touristique.
Elles affirment clairement une identité.
Par militantisme, nous les en remercions, mais aussi parce qu’elles ont compris qu’une identité positive pouvait être ressentie comme telle en Bretagne et hors de Bretagne, par leur clientèle
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Ne nous faites pas la mauvaise querelle de l’identité régionale qui serait une menace pour l’identité nationale.
La Bretagne n’a rien à prouver !
250 000 bretons se sont sacrifiés, ou ont été sacrifiés durant la guerre de 14/18 ! Certains pseudo-historiens révisionnistes contestent ce chiffre comme pour nier la participation de notre région à l’effort national.
En 1940 autour de Gaulle, les bretons étaient d’autant plus remarqués qu’il n’y avait guère de monde autour du général et que la République, 3ème du nom – comme peut être la nôtre aujourd’hui – avait démontré son incapacité.
Le Général de Gaulle lorsqu’il s’exprime en quimper le 2 février 196 nous disait d’ailleurs à propos de la Bretagne : « Nulle part, on ne fut, plus qu’ici, fidèle à la patrie ou quand, au cours de la grande guerre, la Bretagne sacrifiait, par rapport à sa population, un pourcentage de soldats très supérieur à la terrible moyenne française ; ou quand, pendant la Résistance, elle menait plus vaillamment que partout ailleurs le combat contre l’occupant ».
Breton, français, européen, sans que chacune de ses appartenances soit nécessairement en contradiction avec les autres. Il n’y a que les jacobins pour trouver des contradictions là où il n’y a que des enrichissements.
L’identité régionale ne constitue une menace que lorsqu’elle est niée, méprisée, amputée, salie.
Là, oui, des projets comme le vôtre niant l’évidence – Nantes en Bretagne – présente le risque de justifier bien des dérives !
45 ans après le discours du Général de Gaulle, saisirons-nous la chance qui nous est offerte de laisser vivre les vraies régions françaises, celles qui suscitent l’adhésion de nos concitoyens, celles pour lesquelles nos concitoyens sont prêts à donner le meilleur d’eux-mêmes ?
A l’égard des régions, votre gouvernement cèdera-t-il à la méfiance à la méfiance et à la suspicion qui caractérisent le jacobinisme ou au contraire notre assemblée ou fera-t-elle confiance aux régions pour mieux rajeunir notre pays ?
Le débat que nous menons n’est pas un débat technique. Il ne s’agit pas d’optimiser le fonctionnement d’une entreprise. Le débat que nous menons touche à l’essentiel, à la démocratie, à l’identité et à l’enracinement.
Permettez-moi d’évoquer Simone Weil, la grande Simone Weil, qui à Londres, en 1943, rédige son « enracinement » sous la forme d’une sorte de testament. Elle mourra en exil le 24 août.
«L’enracinement est peut-être le besoin le plus important et le plus méconnu de l’âme humaine. C’est un des plus difficiles à définir. Un être humain a une racine par sa participation réelle, active et naturelle à l’existence d’une collectivité qui conserve vivants certains trésors du passé ressent les pressentiments de l’avenir. »
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